La note de suivi Ecophyto de 2016 fait état d’une légère amélioration entre 2014 et 2015. « Le NODU (nombre de doses unités), indicateur de suivi du plan Ecophyto, affiche, pour la première fois depuis sa mise en place en 2008, un léger recul montrant une baisse de 2,7 % des ventes de produits phytopharmaceutiques entre 2014 et 2015. Il est probable que cette embellie, essentiellement due à une baisse de consommation des fongicides, soit en grande partie liée à une faible pression parasitaire en vigne. En effet cette culture est une grande consommatrice de fongicides les années où les risques mildiou et oïdium sont supérieurs à la normale et inversement lorsque le printemps est plutôt sec comme en 2015.
Il est important que la question des pesticides soit portée fortement par les politiques, eu égard aux enjeux de santé applicateurs, riverains, consommateurs, et aux enjeux environnementaux mais porter les efforts uniquement sur les pratiques agricoles me paraît insuffisant compte tenu des connaissances acquises sur les transferts de pesticides et bien entendu du poids des organisations professionnelles et des filières de productions dans l’acceptation du changement.
Il semble crucial de profiter du train Ecophyto, et des énormes moyens de sensibilisation des acteurs qu’il offre, pour aborder le troisième volet de l’expertise collective INRA-Cemagref de 2005 : celui des transferts hydriques des contaminants globalement absent du plan Ecophyto I et du plan II. Si l’on souhaite ou si l’on doit agir demain pour réduire les impacts des pesticides il faut dès aujourd’hui informer et faire germer la prise de conscience.
Réduire de 25% les quantités permet bien sûr en théorie de réduire les expositions humaines et environnementales, encore faut-il que le nombre d’applications diminue et que les substances actives ne soient pas en capacité de se disperser aisément vers les milieux non cibles. En France pour les pédo-climats sensibles, illustrés par les secteurs ruisselants tels que la Bresse, le Perche, les coteaux de Gascogne,… le poids de l’évènementiel (interactions : molécules, pluies, délai après traitement, rugosité du sol,…) est probablement prépondérant par rapport à la dose apportée.
Il convient donc d’œuvrer le plus collectivement possible. Avoir une véritable volonté d’action autour des zones tampons permettrait de s’engager sur la gestion intégrée des bassins versants : de nombreux territoires ruraux aménagés avant la prise en compte des pollutions diffuses et plutôt sur des critères de productivité, semblent mal adaptés à une gestion durable des pesticides: il faut y ralentir l’eau, limiter les écoulements concentrés, donner plus globalement une réelle capacité de résilience à ces milieux et on rejoint à ce niveau les aspects paysagers, biodiversité, Trame verte et bleue et autres aménités liées à un territoire multifonctionnel.
Ancien ingénieur régional à la Protection des végétaux et rédacteur d’Avertissements Agricoles (conseils indépendants de la vente et des organisations professionnelles), je suis ravi de voir des techniques testées et validées dans les années 90-2000, être enfin acceptées par les organismes agricoles. Néanmoins j’avoue être particulièrement vigilant sur les réelles innovations techniques mises en avant et utilisables par l’ensemble des agriculteurs.
Ecophyto, une ambition incomplète
Il est difficilement compréhensible que le troisième volet de l’expertise collective INRA-Cemagref de 2005 : celui des transferts hydriques des contaminants soit globalement absent du plan Ecophyto I et du plan II. Si l’on souhaite réellement réduire les impacts des pesticides, il faut dès aujourd’hui informer les agriculteurs utilisateurs de produits phytosanitaires et faire germer une réelles prise de conscience autour des processus de pollutions diffuses.
Je pense nécessaire de mettre en avant les enjeux liés à l’insuffisance de prise en compte des transferts hydriques de pesticides dans les axes d'ECOPHYTO. Il manque un wagon au train Ecophyto et au programme de réduction de l’utilisation des pesticides.
Ayant vécu et travaillé dans cinq régions aux contextes pédo-climatiques très différents et intervenant sur de nombreuses AAC et bassins versants, j’ai acquis la certitude qu’une agriculture respectueuse de l’environnement ne peut se concevoir que sur des territoires multifonctionnels, restructurés (si besoin) et possédant une capacité suffisante de résilience : ma conviction de vieil agronome est que de tels territoires seront demain la clé de voûte d’une agriculture durable car ayant une plus grande capacité à atténuer les disfonctionnements, notamment ceux liés à des évènements climatiques plus « tranchés ».
Compte tenu des possibilités et des moyens déployés dans le cadre d’ECOPHYTO, il est vraiment dommage que l’enjeu « adaptation des paysages agraires pour une agriculture durable » ne soit pas pris en compte et que l’avance prise par la France lors de la mise en place des bandes enherbées en bordures des cours d’eau référencés « BCAE », ne conduise à une inadéquation avec les exigences futures. Il s’agit notamment des besoins réels de protection des milieux résultant de territoires trop sensibles aux transferts hydriques de pesticides compte tenu du maillage insuffisant en éléments du paysage et en zones tampons.
Plusieurs objectifs et constats semblent particulièrement importants :
- Sensibiliser les acteurs ruraux et locaux à la nécessité de certains réaménagements ruraux: ralentissement de l’eau au sein des versants, optimisation des zones tampons, adoption de tailles de parcelles raisonnables sur les plans hydrologique et érosif, aménagement paysagers efficaces sur les processus de pollutions diffuses.
- Anticiper et générer une meilleure gestion des Produits Phytopharmaceutiques*.
- Aller vers une connaissance accrue et partagée des territoires agricoles.
- Développer le porté à connaissance et l’information sur les ruissellements et sur les processus en jeu, car à l’échelle française les risques de ruissellement sont très mal connus par les praticiens.
- Des menaces liées à de nouveaux bio-agresseurs pèsent sur plusieurs espèces majeures de nos ripisylves (phytophtora sur Aulnes) et de certains bocages notamment de moyennes montagnes: Chalarose sur frêne, tordeuse du Buis,… : peut-être convient-il d’y sensibiliser les acteurs ? Afin de ne pas renouveler le désastre écologique dû à la graphiose de l’Orme, qui dans le Grand Ouest, a accentué à la fin des années 70 la déstructuration du bocage.
- Le changement climatique donne également de l’intérêt à la rétention ou au ralentissement des eaux dans les versants.
*: le risque est réel d’avoir demain des territoires «orphelins» où les possibilités d’emploi de produits phytosanitaires seront très restreints : c’est par exemple le cas des nombreuses petites régions agricoles hydromorphes qui cumuleront les contraintes liées aux sols drainés (interdiction de spécialités) et au ruissellement (dispositif végétalisé permanent de 20 m) alors que les fortes contraintes agronomiques de ces milieux sont peu favorables à l’agriculture biologique et ne permettent pas une grande diversité dans les rotations.