Paimpol, un fond de baie en cuvette, des ruisseaux en crue et des marées hautes!
Il faut sans doute rester humble face à des séquences climatiques inhabituelles, mais il faut aussi en tirer les enseignements nécessaires et passer outre les freins aux changements récurrents.
J’ai passé mes jeunes années à Paimpol, rue des Islandais (1954 à 1974). Pour moi les inondations de Paimpol sont donc une longue histoire. Historiquement le village de pêcheurs était installé, en fond de baie sur un tertre au bord de la mer autour de la place du Martray. Puis du terrain a été gagné sur les zones humides, sans doute par remblais voire par petits polders, et les ruisseaux, arrivant au fond de la baie ont été enterrés sur des linéaires de plus en plus importants. Il s’agit d’un cas très classique d’urbanisation soumise aux aléas inondations. Surtout que les marées hautes importantes empêchent tous écoulements en provenance des bassins versant amont. Les deux ruisseaux les plus importants sont le Quinic (qui sert de limite communale entre Kerfot et Plourivo) et le Canon (peut-être le plus important des deux ?) qui draine une grande partie du territoire de Plourivo. L’exutoire de l’eau superficielle véhiculée par ces cours d’eau côtiers se situe dans le bassin n° 2 à l’entrée du quai Neuf (d’où l’envasement important de cette partie du port).
Bien que situés au-dessus du Leff et du Houël à Kermaria en Plourivo, nous habitons en limite sud du bassin versant du Canon, et donc l’eau de nos gouttières et de notre terrain est susceptible de rejoindre Paimpol lors d’évènements pluvieux exceptionnels.
La tempête Alex des 2 et 3 octobre 2020, rentre bien dans cette catégorie avec une pluviométrie sans doute supérieure à la pluie cinquantenale voir proche des valeurs centennales (phénomène pluvieux avec cumuls revenant tous les cinquante ou cent ans). Les décomptes de la pluie provenant de mon pluviomètre, donnent un cumul de 147,5 mm en 48h du jeudi en fin d'après-midi au samedi soir (à Paimpol il est tombé 174.4 mm!! (source : infoclimat)) provoquant des inondations le samedi soir au moment de la marée haute de 21:02 h (coefficient de 87).
J’ai terminé ma carrière d’agronome autour de l’atténuation du ruissellement agricole, habitant en tête de bassin versant sur des sols hydromorphes et connaissant bien les bas quartiers de Paimpol, cela fait quelques années que le sujet me préoccupe au fil des saisons :
http://www.guylehenaffagreaunome.fr/2020/03/le-port-a-flots-de-paimpol-superbe-piege-a-sediment-formidable-ecrin-pour-la-fertilite-agronomique-perdue-en-amont.html
Face aux enjeux, plusieurs actions sont mobilisables si possible de concert. Tous d’abord les actions de prévention et d’atténuation en amont des inondations, puis ouvrages de stockages à imaginer sans doute en série, et enfin dispositif de pilotage permettant une gestion dynamique des crues.
- Sur le plan préventif, voici la réflexion que m’inspire le comblement récurrent de la chambre à sable (ou plutôt à limons) du port. Il convient d'agir en amont et sur l’ensemble des petits bassins versants car l'eau limoneuse (chargées de matières en suspension : MES) provient essentiellement des champs cultivés, en lien avec le travail du sol et les récoltes des choux fleurs parfois problématiques. Les techniques d’atténuation des ruissellements agricoles sont bien connues, certaines sont d’ailleurs très simples à mettre en œuvre.
Pour les routes et voiries, il faut sans doute répartir sur les bassins versants des bassins de rétentions, qui de plus permettront également une première sédimentation des MES. Le drainage agricole, bien que peu contributeur des crues éclairs, pourrait utilement être soumis à des ouvrages auto-épurateurs : il s’agit de petits lagunages rustiques appelés aussi zones tampons humides artificielles.
Et enfin pour les habitations, le stockage des eaux pluviales peut-être très utile pour des crues modérées. Pour les hameaux et bourg, peut-être est-ce envisageable de réaliser des bassins de rétention de type de ceux obligatoires pour les nouveaux lotissements et aménagements. Et de toute façon il convient de proscrire toutes imperméabilisations nouvelles non compensées.
- Agir sur la propagation des inondations, c’est agir sur les chemins de l’eau en complément des actions préventives. Il faut réfléchir à ce qui est possible dans le cadre de la loi sur l’eau. Le site de Mahalez est bien sûr un ouvrage majeur, mais qui ne peut pas tout (surtout avec une vanne capricieuse !). Alors, pourquoi ne pas profiter des vallées encaissées de nos ruisseaux côtiers pour créer des bassins de rétentions temporaires.
Certains existent déjà, de façon involontaire, comme le passage de route de Pont Canon. Mais d’autres sont peut-être en devenir, notamment sur le Quinic amont ?
Par exemple, le site de Pont Min et son ancien étang à Plourivo (le long de la RD 15) pourrait être mis à contribution sur le Canon (affluent du Quinic) pour sédimenter la terre limoneuse et stocker temporairement les crues. D’ailleurs l’ancienne chaussée de l’étang est en place, seul le milieu de cette chaussée a été détruit lors de l’assèchement du vieil étang pour laisser passer l’eau.
- Et enfin une gestion dynamique mécanique serait sans doute souhaitable à la sortie du bassin de Mahalez, afin de laisser passer le maximum d’eau avant les marées hautes et être en capacité d’écrêter la crue du Quinic/Canon, par exemple durant les deux heures les plus critiques, celles encadrant la marée haute.
Si de plus on souhaite plus largement agir utilement sur le plan qualité des eaux littorales, le problème concerne toute la baie de Paimpol et l’estuaire du Trieux. Il y a des écoulements d’eaux boueuses chargées de polluants essentiellement agricoles (nitrates, pesticides, MES, bactéries) qui viennent s’ajouter aux soucis issus de la gestion des eaux urbaines (STEP). Certains ruissellements parcellaires et donc agricoles paraissent inadmissibles car assez faciles à atténuer. C’est vraiment dommage surtout que les environs de Paimpol représentent plus de 10% de la production d'huîtres de France : des réflexions et quelques actions modestes (ruisseau du Traou à Paimpol) ont déjà été entreprises mais les enjeux restent très réels et cela nécessiterait des actions bien plus ambitieuses qu’actuellement.