Plaidoyer pour le nécessaire réaménagement de l’hydraulique agricole et rurale en vue d’une réelle gestion et protection de l’eau
J’ai adressé ce lundi 31 mai 2021 un courrier à monsieur Julien Denormandie, Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation : voir pdf ci dessous. Il est peu probable que ce courrier suscite de l’intérêt au sein du cercle des ex-ingénieurs du GREF (du Génie Rural et des Eaux et Forêts) et encore moins probable qu’une réponse me parvienne. Nous sommes maintenant à l’heure de multitudes de mails sans réponse, et les services de Stéphane Le Foll ni de Didier Guillaume n’ont pas daigné répondre à mes précédents courriers de mars 2017, puis de novembre 2019 ! Mais je considère, par rapport aux jeunes générations et à mes petits-enfants en particulier, qu’il est de mon devoir de faire connaitre les réflexions issues de ma connaissance des territoires agricoles français, acquise au long de ma carrière d’agronome voyageur.
Mon courrier porte sur les nécessaires réaménagements de l’hydraulique agricole et rurale en vue d’une réelle gestion et protection de l’eau. Mes interrogations portent sur l’hydrologie agricole, qui fortement modifiée voire asservie par des décennies d’aménagements ne correspond plus aux enjeux actuels nécessitant des capacités accrues de résilience de nos paysages. Cette reconquête de la résilience, source d’atténuation des phénomènes climatiques de plus en plus intenses qui nous attendent, doit être basée sur un réaménagement parcellaire et paysager, sur les zones tampons existantes et sur des nouveaux dispositifs écologiques adaptés (hydraulique douce, ingénierie écologique, MNRE (Mesures Naturelles de Rétention de l’Eau), qui de plus seront très favorables à la biodiversité.
Pourquoi observons-nous un manque d’ambition récurrent des politiques publiques vis-à-vis de la nécessité de revisiter nos territoires agricoles et ruraux ? Les paysages agricoles « modernisés » ont le plus souvent été déstructurés par près de 70 ans d’aménagements divers et nombreux, avec un pic durant les 30 glorieuses. Nous sommes face à des enjeux majeurs tels que l’adaptation au changement climatique (sécheresses, inondations, canicules,…), la sauvegarde de la biodiversité et la préservation de ressources suffisantes en eau potabilisable,…
Ma double expertise technique et scientifique « protection des cultures » et « atténuation des pollutions diffuses » (ruissellements, protection des captages), acquise au sein du ministère de l’Agriculture, me conduit à penser que notre réussite collective est subordonnée à des actions transversales très ambitieuses sur les chemins de l’eau en tête de bassins versants. Les références scientifiques existent, mais il nous faut vaincre les résistances au changement et trouver le courage politique de donner toute sa place à l’hydraulique agricole et rurale et aux méthodes naturelles de rétentions de l’eau.
Je suis actuellement très inquiet autour des travaux du « Varenne de l’eau et du climat » principalement sous-tendu par l’enjeu quantitatif lié aux souhaits de la profession agricole de développer l’irrigation en minimisant, voire en ignorant, les approches préventives. Car avant de penser à l’irrigation, il faut garder l’eau dans les parcelles et les versants, favoriser le soutien d’étiage et donc corriger ou atténuer toutes les opérations qui ont conduites à une accélération des écoulements hydriques dans les champs puis sur les chemins de l’eau. Il faut s’appuyer sur les priorités suivantes :
- infiltration,
- ralentissement de l’écoulement des eaux,
- évolution vers des cultures moins exigeantes en eau,
- transformation des systèmes
- réaménagements des paysages agricoles.
Courrier au Ministre de l'Agriculture sur l'hydrologie agricole,31 mai 2021