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Algues vertes: l’affichage et le volontariat ne suffisent plus, il faut passer aux actes ambitieux et surtout efficaces

Avant-propos : avec les échouages précoces des algues vertes, une pluviométrie importante fin juin-début juillet favorable aux transferts de nitrates des champs vers la mer, et la chaleur actuelle autour du 20 juillet : tout semble en place pour un développement important des algues vertes en août 2021.

En Bretagne, encore plus que dans d’autres régions nous avons besoin d’une agriculture sobre et de paysages restructurés et résilients. Il ne suffit pas d’employer des mots clés à la mode, d’évoquer l’ensemble des moyens d’action et des techniques pertinentes : toutes les approches nécessaires, possibles et efficaces figurent dans le plan algues vertes de la Baie de Saint Brieuc, et pourtant ! Il ne suffit pas de dire que "la Bretagne est à la pointe de la transition agroécologique" (Loïg Chesnais-Girard le 12 juillet à Carhaix!) ou d’avoir pour objectif l’excellence environnementale comme l’affiche certaines collectivités locales, il faut viser l’efficacité et la réelle efficience des mesures misent en place. L’urgence climatique ne nous permet plus de miser sur une ou deux générations d’agriculteurs pour faire évoluer les pratiques. La « course à la lenteur », si chère aux lobbyistes et à nombre de politiques n’a plus guère sa place lorsque la maison brûle.

Dans une région aux territoires hydro-géologiquement et pédologiquement très vulnérables comme la Bretagne et l’ensemble du massif armoricain, nous sommes confrontés à de multiples enjeux : agricultures trop intensives, pollutions diffuses, perte de biodiversité, effets du changement climatique, augmentation de la population d’où un déficit structurel en eau prévisible,… C'est dommage de ne pas appliquer de vraies mesures paysagères de protection de tous les points d'eau et donc du petit chevelu hydrographique, y compris celui laissé de côté par une réglementation issue de la cogestion.

Pour le réaménagement des territoires et la mise en œuvre de dispositifs de prévention des pollutions diffuses il est grand temps d’imposer des mesures paysagères qui permettraient de de revisiter et donc de réaménager l’hydrologie agricole asservie au productivisme depuis 50 voire 70 ans. Il faut réinstaller des zones humides dans les têtes de bassins versants, c-a-d notamment dans les plateaux limoneux, drainés ou pas, dédiés aux grandes exploitations et aux grandes parcelles peu agroécologiques. Il faut absolument mieux protéger le chevelu hydrographique y compris les fossés. Même en Bretagne, où la cartographie des cours d’eau s’est faite « correctement », nous avons des fossés qui objectivement sont des cours d’eau, et de toute façon les fossés sont le plus souvent le premier lieu de passage des eaux sortant des parcelles avec nombre de polluants (limons, nitrates, pesticides, phosphates, bactéries). Il convient de bien gérer la végétalisation des fossés et déployer autour du chevelu des dispositifs enherbés et végétalisés permanents en commençant par la réhabilitation des prairies humides ou tout simplement la généralisation de prairies de systèmes herbagers modérément intensifs. Cela nécessite des emprises foncières, mais ces différents dispositifs pérennes sont en termes d’efficacité de véritables couteaux suisses, pour l’ensemble des sujets que nous préoccupent et qui nécessiteraient une politique plus ambitieuse : qualité de l’eau, érosions et inondations, biodiversité et adaptation au changement climatique.

Il faut des dispositifs pérennes (inscrit dans les PLUi) durables et fonctionnels sur plus de 5 %, voire sur 10%, de la SAU, et si c’est pour faire nettement mieux qu’avant, des solutions de compensation financières peuvent exister ou sont à imaginer au niveau des BCAE, des primes PAC et des PSE (paiements pour services environnementaux).

Les mesures prônées, regroupées sous le terme zones tampons*, ont fait l’objet de travaux scientifiques, globalement les efficacités sont connues et intéressantes à l’échelle de territoires suffisamment bien « équipés ». Voir les efficacités sur nitrates citées dans mon blog :

https://www.guylehenaffagreaunome.fr/2021/07/bretagne-et-algues-vertes-peut-on-naviguer-par-gros-temps-avec-des-oeilleres.html

* https://www.afbiodiversite.fr/actualites/un-nouveau-guide-pour-aider-implanter-des-zones-tampons-en-contexte-agricole

 

 Toujours sur le plan de la sobriété vis-à-vis des territoires, il est important d’encadrer le développement de la méthanisation et notamment de prévenir les effets délétères qui pèseront sur le parcellaire et les paysages agricoles. Les méthaniseurs importants, installés dans de grandes exploitations peu enclines à de véritables pratiques agroécologiques, vont porter un coup fatal aux territoires : la recherche de toujours plus de productivité portera un coup de grâce pour les petits bassins versants anéantissant toute capacité de résilience. A défaut d’être en capacité d’interdire les gros méthaniseurs, il faudrait imposer : des mesures préventives de protection des sols et du bocage, un maillage parcellaire acceptable, et exiger un itinéraire technique du maïs et des CIVE sans pesticides couplé une fertilisation de bas niveau et plafonnée.

 

Autour des problématiques nitrates se pose également la question de l’application en Bretagne du plan protéines végétales (France relance) et du potentiel de production d’aliments riches en azote dans les exploitations bretonnes. Pour avoir sillonné de nombreuses régions herbagères et de polycultures, il me semble l’on se doit être prudent vis-à-vis d’une éventuelle autonomie protéique de la Bretagne. Même si les variétés s’améliorent nous avons un climat trop favorable aux maladies sur féveroles, pois. La Luzerne n’est pas généralisable. Le trèfle et le tourteau de colza sont par contre très intéressants en ruminants, et l’herbe jeune aussi. Il restera de nouvelles solutions « modernes » (farines d’insectes ou obtention d’acides aminés à partir du sucre) et le sempiternel soja. Le soja non-OGM français est actuellement sous très haute tension des prix car très demandé. Dans le même temps la production bretonne d’énergie alimentaire possède pour le moment une très forte et trop forte capacité : maïs, blé et orge. D’où l’importance de mettre en place un lien inconditionnel au sol : on consomme dans les élevages ce que l’on est capable de produire localement. En ruminants avec le changement climatique, nous aurions sans aucun doute intérêt à aller vers des prairies naturelles riches en espèces ayant des rythmes biologiques variés et donc des stratégies de résiliences différentes. Mais là encore il faudrait une réduction drastique de la fertilisation azotée qui favorise les espèces les plus productives mais pas les plus adaptées aux aléas climatiques. Les éleveurs auvergnats et franc-comtois ont actuellement des déboires à cause d’une intensification pourtant « modérée » (vue de Bretagne) et de la fertilisation de leurs prairies naturelles qui reçoivent ces dernières années plus de 170 u d’azote, ce qui favorisent une forte pousse printanière mais défavorisent les espèces à pousse estivale.

 

L’excellence environnementale, n’est pas pour demain dans l’Ouest de la France. Il faudrait en avoir l’ambition et la réelle volonté politique et sociétale. Les mots clés, même répétés des milliers de fois, et des actions de faibles ambitions ne seront pas suffisants. Après la révolution verte commencée dans les années 60 (j’étais encore en culotte courte…), qui a fait le grand bonheur de l’agroalimentaire, il parait très difficile de se passer d’une seconde révolution, toujours verte mais sobre et écologique, basée sur le lien cheptel-sol, et tenant bien sûr compte de la vulnérabilité pédo-climatique des bassins versants et territoires, des capacités de résiliences et d’adaptation au changement climatique. Nous aurions une agriculture permettant de produire une nourriture saine tout en rémunérant les producteurs-agriculteurs et en respectant la biodiversité et notre environnement.

 

Ramassage algues vertes : Baie de saint Brieuc, plage du Bon Abri à Hillion-22 (19/07/2021)

Ramassage algues vertes : Baie de saint Brieuc, plage du Bon Abri à Hillion-22 (19/07/2021)

Jeune haie bocagère en baie à algues vertes, Plestin les Grèves (22)

Jeune haie bocagère en baie à algues vertes, Plestin les Grèves (22)

Haie bocagère avec belle strate arbustive-Plourivo (22) 6 avril 2021

Haie bocagère avec belle strate arbustive-Plourivo (22) 6 avril 2021

Tag(s) : #Chroniques de territoires, #Territoires résilients
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