Coulées de boues et inondations : exceptionnelles, fatalité ou résultats d’incohérences récurrentes ? Orage du 4 juin 2022 en basse vallée du Trieux responsable d’un état reconnu comme catastrophe naturelle.
Les années passent, mais les pluies orageuses de juin sont toujours au rendez-vous et ce sont régulièrement les mêmes lieux-dits et hameaux qui subissent des inondations et des coulées de boues, y compris d’ailleurs lors des tempêtes automnales (Alex, les 2 et 3 octobre 2020 : https://www.guylehenaffagreaunome.fr/2020/10/paimpol-une-cuvette-avec-des-ruisseaux-et-des-marees-hautes.html
L’orage du samedi 4 juin 2022 qui a touché la basse vallée du Trieux n’échappe pas à la règle, si ce n’est par des passages de grêle importants. Plusieurs communes de rives droite et gauche ont été déclarées en état de catastrophe naturelle « inondations et coulées de boues ».
Ces perturbations orageuses avec leurs lots de pluies intenses se répètent maintenant tous les ans et j’en suis un observateur attentif : les 14, 15 et 16 juin 2020, les 20 et 21 juin 2021, les 3 et 4 juin 2022. Si l’on en croit les prévisions des climatologues ces pluies intenses vont devenir de plus en plus fréquentes à la faveur du réchauffement climatique.
Le 30 octobre 2020 j’ai publié un article ou je détaillais l’importance de l’hydraulique agricole dans la genèse des coulées de boues : « Changement climatique, ruissellements, érosion et inondations en bordure du littoral costarmoricain : le temps de l'action ou le maintien de la course à la lenteur? »
En 2022 je ne vois pas beaucoup d’actions préventives d’ampleur se construire ni se mettre en place, en particulier la prévention des coulées de boues est très loin d’être suffisamment énergique pour :
- préserver la fertilité agronomique des sols agricoles,
- prévenir les inondations subites,
- limiter l’artificialisation des allées et des cours d’habitations,
- réduire l’envasement du port de Paimpol : inlassablement les champs se vident et les bassins du port de remplissent !!
https://www.guylehenaffagreaunome.fr/2020/10/le-temps-de-l-action-ou-maintien-de-la-course-a-la-lenteur-changement-climatique-ruissellements-erosion-et-inondations-en-bordure-du
Deux points positifs sont quand même à signaler :
i) la sensibilisation de certains élus, mais le chemin est encore long. Localement la présidence de Guingamp Paimpol Agglomération et ses services en charge de la GEMAPI (GEstion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations) ne me semblent pas avoir pris le problème en main (je me trompe peut-être, mais comme mes courriers et mails restent sans réponse…).
ii) la réalisation à proximité du littoral de quelques talus de ceinture et quelques déplacements d’entrées de champs.
Autre lueur d’espoir, un texte particulièrement intéressant, adopté par la commission européenne dans le cadre du pacte vert. https://france.representation.ec.europa.eu/informations/pacte-vert-des-propositions-inedites-pour-restaurer-la-nature-en-europe-dici-2050-et-reduire-de-2022-06-22_fr
Une réglementation ambitieuse pourrait débloquer les postures d’acteurs et stimuler un réaménagement de l’hydraulique et de l’hydrologie de nos territoires agricoles en généralisant des mesures d’atténuation et de correction fondées sur la nature. D’autant que par exemple, l’implantation de zones tampons rustiques permet de renaturaliser les amonts de bassins versants tout en apportant une multifonctionnalité qui sera très utile face au changement climatique : elles réduisent les transferts des nitrates et des pesticides, ralentissent l’eau, épongent les excès d’eau, contribuent à la connectivité écologique, constituent des espaces de biodiversité, stockent du carbone et peuvent contribuer à la production de biomasse durable (arbres). Les zones tampons cochent donc de très nombreuses cases, mais encore faut-il que les décideurs soient ouverts aux travaux de la recherche et au simple bon sens. En Bretagne les grands sujets environnementaux sclérosent les positions des parties prenantes (nitrates, algues vertes, surpopulation animale). Des expérimentations basées uniquement sur la technologie (« techno-solutionnisme ») sont menées à grand renfort de subventions (ramassage des algues vertes en mer, capteurs d’H2S,…), mais pas question de toucher au parcellaire « modernisé » et déstructuré depuis 70 ans et de prôner des réaménagements de versants.
A mon modeste niveau, je cherche désespérément une éventuelle petite faille dans les rapports de force, une oreille attentive (au sein des pouvoirs publics, cela me semblerait logique mais je suis sans doute trop naïf !).
Pour commencer à ralentir efficacement l’eau dans et en bordures de champs.
Pour reconstruire, pas à pas, les capacités de résilience de nos campagnes.
Les Limons fertils "en route" pour l'envasement du port de Paimpol (22), ruisseau côtier du Quinic (5 juin 2022)
Parcelle en pente et en pointe du calvaire de Boutoull, déjà bien érodée en octobre 2020!! (Paimpol, 05 juin 2022)