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promiscuité parcelle-étangs : le Carlet, Birieux-01 Nov 2014

promiscuité parcelle-étangs : le Carlet, Birieux-01 Nov 2014

Préservation de l’eau en pays d’Ain : cas de la Bresse et de la Dombes

La préservation et la protection de la qualité de l'eau sont des enjeux environnementaux qui prennent de l’ampleur depuis quelques années sur le bassin de vie de Bourg en Bresse. Autour du LEGTA des Sardières de Bourg en Bresse les acteurs du développement agricole se mobilisent autour de cette thématique et prépare pour 2020 une journée « Préservation de la ressource en Eau en Bresse/ Dombes ».

C’est l’occasion d’évoquer les problématiques spécifiques de ces petites régions agricoles si particulières, qui d’ailleurs pour des questions hydrogéologiques fournissent assez peu d’eau potable. J’ai travaillé en Bresse jurassienne dans les années 80. Puis lors de mon retour en région lyonnaise en 2008, la Bresse et la Dombes sont devenu des terrains d’observation très pertinents compte tenu d’une grande, voire très grande sensibilité aux transferts hydriques de surface. Protéger l’eau dans ces territoires nécessite de tenir compte des conditions géo-pédo-climatiques particulièrement contraignantes et de se référer aux histoires paysagère et hydraulique, anciennes et récentes, de ces territoires situés au sud du fossé bressan.

Un état des lieux démoralisant

La Bresse a été « trop » fortement remaniées vis à vis d'une problématique actuelle tel que l’enjeu préservation de l'eau : les parcellaires atteignent maintenant des tailles (longueurs) inadaptées aux sols limono-argileux, et les aménagements hydrauliques ont très fortement modifiées le petit chevelu hydrographique : recalibrage et redressement des petits, voire grands cours d’eau, importants drainages agricole, busage de très nombreux « cours d’eau-fossés » occupant les fonds de talwegs. En première approche, il faut pouvoir atténuer les effets quantitatif et qualitatif du drainage, mais ce à très grande échelle pour compenser cinquante ans de drainage à visées essentiellement productivistes.

Le cas de la commune rurale de Saint Jean sur Reyssouze est exemplaire : au fil des décennies, de plus en plus de parcelles ont été agrandies et drainées, vraisemblablement sans vision d’ensemble en s’appuyant sur les fossés et ruisseaux initialement rectifiés et sur-creusés au début des trente glorieuses. De nombreuses haies ont disparues et des portions de talwegs ont été busées en bas de versant. L’urbanisation de bord de village à elle aussi concernée la partie aval de ce bassin-versant drainé d’environ 120 ha. Sur des épisodes très pluvieux, cela donne quelques douloureuses inondations qu’il est maintenant difficile, voire impossible d’éviter, en fonction de l’état actuel du parcellaire et des aménagements hydrauliques de ce petit bassin versant agricole.

La Dombes est la seule région de France où cohabitent à grande échelle étangs piscicoles et grandes cultures. Il faut espérer que la profession agricole et notamment la Chambre d'Agriculture change sa position trop longtemps irresponsable autour de la pollution agricole des étangs. L'agriculture dombiste doit aussi se séparer du syndrome "beauceron" visant à intensifier sur de trop grandes parcelles, connectées le plus souvent directement aux étangs. La productivité a ses limites notamment dans les sols très hydromorphes de la Dombes des étangs. Elle ne doit pas en permanence passer par des atteintes au milieu naturel et se faire au détriment des habitats et de la préservation de l’eau. La Dombes bénéficie du classement en Natura 2000 au titre des directives habitats et oiseaux. Mais force est de constater que les pressions agricoles progressent malgré ce classement et ce d’autant que les prairies et l’élevage à base d’herbe régressent.

 

Des raisons d’espérer 

La Dombes reste un poumon vert pour la région lyonnaise, malgré le mitage résidentiel en cours. Les arbres parfois centenaires y sont nombreux, les chemins de randonnées sont de qualité malgré quelques clôtures. Une fois prise les mesures de reconquête adéquates nécessaires à la protection de l'eau, ce peut être un territoire apaisé, partageable (si la chasse n'est plus la seule richesse d'avenir?). , Mais attention elles sont très spécifiques aux sols limoneux sur couches d’argile de la Dombes, très sensibles aux ruissellements de surface, qui d’ailleurs remplissent les étangs. Il faut limiter tout contact hydraulique direct entre les étangs et les parcelles cultivées émettrices de pesticides : présences nécessaire de prairies humides, bosquets, zones enherbées, mares,...

Une marque commerciale "Dombes", déjà connue pour le poisson, serait indispensable pour assurer un revenu cohérent aux agriculteurs céréaliers de la Dombes soumis à des contraintes pédoclimatiques fortes. Du pain issu de farines produites en Dombes, pourrait être un bon créneau, et pourquoi pas des produits d’animaux élevés en extensif autour des étangs, les pépites de la Dombes.

La Bresse a gardé un bocage résiduel important, mais il n'est plus en position topographique pour jouer en fond de talweg un rôle de protection des eaux de surface. De plus le drainage réduit l'infiltration, pourtant nécessaire au soutien d'étiage. Il faut donc lancer une politique ambitieuse de réaménagement "moderne" du bocage bressan, en réintervenant en fond de talwegs et en valorisant aussi les productions végétales bressanes avec une image locale valorisante.

En Bresse, les ruisseaux et les fossés (souvent des ex-ruisseaux), redressés et recalibrés pendant les trente glorieuses, puis règlementairement déclassés, doivent recevoir une ripisylve arborée sur au moins un côté: au sud de préférence, et bien sûr en y étant attentif aux exutoires de drainage. L'autre côté pouvant servir aux travaux d'entretien et de curage si besoin. A ce propos, tout doit être fait pour garder la terre dans les champs en limitant les ruissellements et ainsi limiter la sédimentation et le colmatage du petit réseau hydraulique. Il faudra sans doute aussi revisiter l'organisation des versants drainés et parfois "débuser" pour remettre à l’air libre les écoulements de certains fonds de vallées.

Soyons optimiste

Abordons résolument un côté constructif, car les territoires sont attachants et ont des atouts importants. A condition de dépasser les mesurettes souvent « étiquetées » pompeusement innovations et donc d'aller vers des plans d'action véritablement ambitieux, les marges de progrès sont à portée de mains et ce à coûts modérés pour les agriculteurs et les collectivités. Les idées ne manquent pas, mais j'entends d'ici, les soupirs et les contre-arguments des partisans de la « course à la lenteur », alors que collectivement l'on va très surement dans le mur...

Si l'aménagement des territoires ruraux doit prendre en compte les pollutions diffuses, il devient urgent de tenir compte des autres aménités liées aux écosystèmes qui doivent être dotés de résilience. Le réchauffement climatique exige un changement de paradigme et la sauvegarde de la biodiversité aussi. Agir dans les champs à travers de nouvelles pratiques culturales est souhaitable, mais c'est de plus en plus insuffisant et le monde agricole devra enfin prendre ses responsabilités et donc le taureau par les cornes. Certes cela bouge, et l’on parle beaucoup des success-story, hélas trop peu nombreuses et trop souvent technologiques, c’est cependant sans commune mesure avec les besoins de résilience de l’ensemble de nos bassins versants et les besoins de protection des populations qui résident en campagne.

Fond de talweg busé, BV Reyssouze-01 janv 2016

Fond de talweg busé, BV Reyssouze-01 janv 2016

Tag(s) : #Chroniques de territoires
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