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                     Retours sur le cas de l'Esa-métolachlore et des insuffisances notables, mesures de gestion nécessaires vis-à-vis de l’eau potable et la protection des milieux aquatiques

issues de la note "approche méthodologique pour la prise en compte des métabolites"

Préliminaire :

        Cet article reprend l'historique des signaux et des alertes que auraient dû conduire à une bien meilleure gestion de problème dès 2017-2018. Il reprend également un ensemble des préconisations compilées le 2 février 2023. Avec l'annonce par l'Anses au 15 février de la mise en place de procédures de retraits pour le S-métolachlore, cette partie de la note méthodologique va rapidement être soumise à une obsolescence programmée. Mais l'intérêt de cette approche méthodologique est son utilité pour l'ensemble pesticides se dégradant en métabolites rémanents, solubles et ayant une faible affinité avec les sols. L’Esa-métolachlore et autres métabolites du S-métolachlore, une fois que les retraits seront effectifs, vont progressivement être moins présents. Mais nombreux sont les autres herbicides produisant également un ou plusieurs métabolites (jusque une dizaine pour le DMTA-P): Citons donc le diméthénamid-P (DMTA-P), la chloridazone mais aussi le nicosulfuron, la terbuthylazine, le métazachlore,...

Les années à venir seront vraisemblablement encore riches de retentissements liés à la présence de métabolites dans les eaux brutes et les eaux potabilisables. Les types mesures de gestion exposées ci-dessous, seront à adapter aux molécules employées et aux métabolites importants. Elles permettrons d'améliorer, si la profession agricole assume pleinement ses responsabilités, le cadre d’une gestion cohérente et raisonnée des produits phytosanitaires.

 

           Retours sur le cas de l’Esa-métolachlore : insuffisance de prise en compte des signaux.

« Quid » des mises en garde, des alertes en provenance des études puis des réseaux de surveillance ?

 

Dans le cas précis de l’Esa-métolachlore, le retour sur l’historique des mises en garde et de ses détections est instructif. Les premiers échos défavorables datent des années 90 en provenance des USA. Dès 2005, lors de la réapprobation du S-métolachlore, l’Union Européenne a appelé à la vigilance vis-à-vis des risques de contaminations de l’eau par les métabolites de cette molécule.

Par rapport aux métabolites du S-métolachlore, les contaminations des eaux sont connues scientifiquement depuis de nombreuses années : aux USA dès la fin années 90 et en France grâce aux études du BRGM, en 2010 sur la nappe de l’Ariège puis ensuite dans la nappe de l’Est Lyonnais. Par la suite l’étude prospective de 2012 de l’Ineris sur les polluants émergents en eau superficielle, publiée en 2014[1] montre une contamination par l’Esa-métolachlore de 77% des matrices eaux superficielles suivies (et jusque 83% en Seine Normandie et Adour Garonne, et même 87% de quantification en Loire Bretagne)

Par ailleurs, les réseaux de suivis donnent des informations depuis près de 10 ans. En PhytoPharmacoVigilance, mise en place par l’Anses (PPV), de nombreuses données de contamination sont disponibles à partir de 2013. Plus récemment, en Région Bretagne, le réseau de surveillance assure des suivis eau de surface à partir de 2017, et ce réseau montre une contamination quasi-généralisée des eaux superficielles dès 2019 par l’Esa-métolachlore.

Le « coup de chaud » de 2022 autour des nombreux dépassements de l’Esa-métolachlore en eau potable, est atténué par le classement de ce métabolite en non-pertinent au 30 septembre 2022. Cependant la problématique métabolites autour du S-métolachlore reste entière car ce classement peut tout à fait évoluer (risque perturbateur endocrinien non évalué), et nombreux sont les métabolites de pesticides qui s’avèrent rémanents dans les milieux. A côté de la vigilance collective autour des EDCH (Eaux Destinées à la Consommation Humaine) on laisse sans doute de côté les risques environnementaux moins mobilisateurs. Pour l’Esa-métolachlore les enjeux écotoxiques sont pourtant bien plus forts que les risques pour la santé humaine alors que la contamination des milieux peut être quasi-généralisée : en Bretagne 92% des cours d’eau suivis présentaient des dépassements des 0.1µg/l en 2019.

 

Ironie du calendrier, L’outil et le site Siris-pesticides 2012 de l’Ineris vient d’être fermé (depuis le 25/10/2022). Les données n’étant plus mises à jour, l’outil Siris-pesticides ne peut plus fournir de résultats fiables. Pourtant avec un peu de curiosité et l’estimation de quelques données physico-chimiques manquantes, le recours à cet outil aurait pu permettre d’éviter l’effet « surprise » observé en 2022. Plus globalement l’Esa-métolachlore, comme d’autres métabolites (ASDM (nicosulfuron), desphényl-chloridazone (chloridazone),…), présente toutes des caractéristiques permettant de polluer les masses d’eau : persistance forte, solubilité importante, faible affinité avec les sols,….

Comme souvent dans le domaine des produits phytosanitaires, la faible appétence de certains outils pour les financeurs et pour certains utilisateurs potentiellement majeurs conduit à délaisser des méthodologies très utiles et pertinentes, mais il est vrai dérangeantes et/ou trop rustiques. Nous venons de voir le cas de SIRIS-pesticides, mais la méthode CORPEN sur les voies de circulation de l’eau (1999), qui sous-tend les diagnostics parcellaires est très loin d’être diffusé à son juste niveau : elle devrait depuis longtemps être utilement généralisée sur la totalité des parcelles de France et de Navarre recevant des intrants agricoles, et en plus de 20 ans nous avions eu le temps et les financements pour y parvenir !

 

Et pour demain, quelle mobilisation des outils nécessaires à l’anticipation?

Techniquement le S-métolachlore est actuellement un herbicide majeur pour la ferme France. Mais compte-tenu des niveaux des contaminations des milieux (eau, air) et à cause de la disparition des herbicides similaires (alachlore, acétochlore) il est nécessaire de raisonner fortement son emploi dans les zones sensibles bien sûr, mais aussi plus largement sur l’ensemble des territoires.

Il convient sans doute d’envisager une première approche régionalisée via les outils SIRIS-Pesticides et/ou Arpèges, pour la molécule mère et les métabolites principaux. Cela permettrait de conforter les données de surveillance et de déceler des pistes de segmentation des mesures de gestion en fonction des contextes pédoclimatiques et des pressions régionalisées. Il faut cependant bien garder à l’esprit que les transferts hydriques du S-métolachlore et de ses métabolites répondent à plusieurs types de transferts hydriques, ce qui explique certainement le caractère ubiquistes des contaminations observées sur l’ensemble du territoire.

Des actions de réduction d’usages se mettent en place en zones concernées par la protection de captages, mais globalement cela reste limité. Il semble nécessaire d’agir de façon volontariste sur la pression d’emploi et en même temps sur les risques de transferts hydriques.

 

Quelles mesures de gestion pour l’emploi du S-métolachore ?

            L’année 2022 a été riche en rebondissements autour de la prise en compte des métabolites et de l’Esa-métolachlore en particulier. Les décisions nationales ou régionales n’ont pas été d’une grande limpidité et une réelle confusion a perturbé le monde de l’eau potable et attiré l’attention de grands médias nationaux (France-Télévision, Le Monde,…).

La gouvernance autour de l’usage des produits phytosanitaires mérite d’être encore améliorée en tenant compte des faiblesses observées et subies en 2022.

 

Pour réduire les contaminations, il est indispensable de diminuer la pression d’utilisation et d’agir sur les transferts hydriques, en tenant compte des modalités de transferts des différents métabolites.

  1. Pour réduire la pression d’usage, il convient de tenir réellement compte des trois compartiments suivants : efficacité technico-économique, gestion des résistances et risque de contamination des milieux.
  • En premier lieu en réduisant l’utilisation : en réduisant la fréquence d’emploi au sein de la rotation. Par exemple pour une parcelle donnée, emploi autorisé seulement une fois tous les 5 ans.
  • Si il est simplement fait appel à de la substitution de molécules, il convient qu’elle soit raisonnée : en limitant l’emploi de nicosulfuron, en surveillant de très près le DMTA-P et ses nombreux métabolites,… En Loire Atlantique, Altantic’eau le service public de distribution de l’eau potable s’inscrit dans cette démarche, à Saffré notamment
  • Voire en passant par une diminution de dose au sein d’un programme (mais dans ce cas l’effet prévention des résistances sera vraisemblablement moindre voire nulle).
  • Et bien sûr en faisant appel aux techniques alternatives où d’évitement. Le désherbage mécanique a maintenant atteint un bon niveau de performance. Mais son coût reste élevé et son bilan carbone et gaz à effet de serre est médiocre : des compensations agroécologiques seraient sans doute à mettre en place (Haies, prairies,…)
  • La reconception de système et l’allongement des rotations sont bien entendu des approches importantes permettant de réduire la pression liée aux stocks semenciers et à la sélection des flores induites par des rotations courtes.

 

  1. Pour le S-métolachlore, les périodes de contamination privilégiée se situent en situation de nappe basse, puisque cela correspond aux périodes d’utilisation. En années sèches on constate parfois des décalages de transfert vers l’automne, à la reprise des écoulements. Pour cette molécule exclusivement utilisable sur de nombreuses cultures de printemps et qui suit plusieurs voies de contaminations hydriques, les mesures de gestion mobilisables seront à adaptés localement:
  • Atténuation du ruissellement en parcelles en visant notamment une bonne rugosité des sols (mottes, couverts végétaux)
  • Interception des premiers écoulements fortement contaminés de surface ou de drainage : cela implique la présence de dispositifs tampons pérennes capables d’intercepter les écoulements lors des printemps humides et de protéger le petit chevelu hydrographique (fossés circulants compris):
    • bandes enherbées (DVP) suffisamment larges et bien connectées à la parcelle.
    • zones tampons humides en sortie de drainage ou situés aux nœuds hydrauliques (bas et bords de parcelles).
  • Aménagements parcellaires afin de réduire la taille des parcelles et surtout les longueurs de pentes (trop souvent trop importantes !).
  • Ralentissement de l’eau, en agissant sur les chemins de l’eau grâce à de l’hydraulique douce et à des mesures naturelles de rétention d’eau.

 

Pour résumer au 2 février 2023, Il convenait donc de

  • poursuivre le renforcement des connaissances autour du S-métolachlore et de ses métabolites
  • tenir compte de la vulnérabilité des sols, des parcelles et des territoires
  • agir sur les pratiques en réduisant l’emploi du S-métolachlore
  • mobiliser les dispositifs de ralentissement de l’eau en parcelles et au sein des paysages
  • améliorer les techniques de traitement des métabolites en station et filières de potabilisation.

            …

 

[1] Fabrizio Botta et Valeria Dulio (2014). Résultats de l’étude prospective 2012 sur les contaminants émergents dans les eaux de surface continentales de la métropole et des DOM. Rapport Final, DRC-13-136939-12927A, 139 pp

Note méthodologique d'anticipation des problèmes liés aux métabolites, exemple de préconisations pour le S-métolachlore (2 février 2023)

Retenue d'eau de la Ville Hatte sur l'Arguenon (22): très concernée ces dernières années par l'Esa-métolachlore (le 29 Aôut 2022)

Retenue d'eau de la Ville Hatte sur l'Arguenon (22): très concernée ces dernières années par l'Esa-métolachlore (le 29 Aôut 2022)

Tag(s) : #Règlementation phytosanitaire, #Ecophyto-Vigilance
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