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Approche méthodologique pour la prise en compte des métabolites dans les mesures de gestion nécessaires pour l’eau potable et la protection des milieux aquatiques

Préliminaire : Cette note comprend un ensemble d’éléments et de préconisations. Enrichis des enseignements d’une année 2022 fortement animée par l'importance des contaminations par des métabolites, ces préconisations méthodologiques peuvent améliorer le cadre d’une gestion cohérente et raisonnée des produits phytosanitaires.

      Avec l'annonce de mise en place de procédures de retraits pour le S-métolachlore, cette note va rapidement être soumise en partie à une obsolescence programmée. Mais l'intérêt de cette approche méthodologique est son utilité pour l'ensemble des pesticides se dégradant en métabolites rémanents, solubles et ayant une faible affinité avec les sols. Le croisement avec les vulnérabilités intrinsèques des territoires assurent de plus une meilleure pertinence des prédictions.

      l'Esa-métolachlore et autres métabolites du S-métolachlore, une fois que les retraits seront effectifs, vont progressivement être moins présents. Mais nombreux sont les autres herbicides produisant également un ou plusieurs métabolites (jusque une dizaine pour le DMTA-P): Citons donc le diméthénamid-P (DMTA-P), la chloridazone et aussi le nicosulfuron, la terbuthylazine, le métazachlore,... Les années à venir seront encore riches de retentissements liés à la présence de métabolites dans les eaux brutes et les eaux potabilisables.

 

Le métolachlore est un herbicide de la famille des chloroacétamides. Important au plan français il était vendu initialement sous forme d’une spécialité comportant en quantité égale deux isomères énantiomères : le R et le S.  La fonction herbicide étant dû à l’isomère S, c’est celui-ci qui est maintenant largement majoritaire dans l’herbicide actuellement autorisé et dénommé S-métolachlore.

Principalement utilisé en métropole sur maïs, tournesol, betterave, soja et haricots-pois (fiche Phytopharmacovigilance, Anses-2018[1]), la molécule et ses métabolites sont très souvent détectés dans l’eau et dans l’air. Employé à grande échelle le S-métolachlore est utilisé dans des contextes pédoclimatiques très variés recouvrant la quasi-totalité des zones de grandes cultures française. Cette molécule uniquement utilisable sur des cultures de printemps suit plusieurs voies de contaminations hydriques.

Une étude Irstea-Anses de 2016, comparant les estimations de la méthode Arpèges et les données de surveillance, montre que le S-métolachlore présente un fort potentiel de contamination via les transferts lents : ruissellements, drainages et écoulements de subsurface (appelés aussi hypodermiques). Les périodes de contamination privilégiée se situent en nappe basse (printemps-été-début d’automne), en année pluvieuse les contaminations printanières, proches des périodes d’applications, sont très nettes.

Depuis quelques années, la problématique des métabolites dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) monte en puissance. C’est lié à l’augmentation des capacités analytiques, aux études de suivis des contaminants émergents, à l’intégration de plusieurs métabolites dans les suivis de surveillance des eaux et aux études d’évaluation des risques toxicologiques : détermination de la pertinence ou de la non-pertinence.

 Autour de l’Esa-métolachlore, produit de dégradation jugé dans un premier temps comme pertinent, les enjeux se sont révélés très importants et ils le restent. Depuis la généralisation de la surveillance en 2017, de très nombreuses ressources en eau potable se sont révélées contaminées de façon durable. Ces captages contaminés ont fait l’objet durant l’année 2022 de procédures de dérogations (applicables lorsque le seuil de 0.1 µg/l était dépassé de façon durable). Début mai 2022 les arrêtés préfectoraux de dérogations ont commencés à être publiés.

Depuis l’avis Anses du 30 septembre 2022[3], l’Esa-métolachlore est passé dans la catégorie des métabolites non-pertinents, faisant ainsi passer le seuil de qualité de 0.1µg/l à 0.9 µg/l. Ce changement de seuil clôt une année un « peu folle » engageant dans différentes actions les collectivités chargées de la production de l’eau potable: dérogations et plans d’actions, lancements ou renforcement de stations de traitement (charbons actifs poudres), ou malheureusement en donnant raison à posteriori aux structures restées en position d’attente.

 

Approche méthodologique d’anticipation puis de gestion

La détection à grande échelle de produits de dégradation des pesticides relance la problématique de la reconquête de la qualité de l’eau. La prise en compte anticipée des dépassements de l’Esa-métolachlore dans les ressources en eaux potable, qui était possible dès 2018 et surtout 2020, n’a pas été mise en œuvre. Cela questionne sur notre capacité collective à intégrer les nouvelles connaissances dans nos réflexions et nos actions. Essayons à postériori de proposer une approche prospective ou de veille pour les années à venir.

            Il convient bien sûr de mobiliser les connaissances écotoxicologiques et environnementales acquises sur les substances actives et leurs métabolites. Dans le même temps la prise en compte des processus de transferts hydriques est bien entendu indispensable en mobilisant si possible des données pédologiques au 25 000éme (le 250 000 éme des Référentiels Régionaux Pédologiques, ne localisant pas l’emplacement précis des types de sols, ne permet pas les diagnostics parcellaires).

Les connaissances permettant d’éclairer les comportements des substances pesticides dans les milieux proviennent des études nécessaires à l’évaluation (EU, états membres,…), mais aussi d’une veille bibliographique rigoureuse. Les réseaux de surveillance et la phytopharmacovigilance[4] apportent par ailleurs des éléments très pertinents (pour les molécules hydrophiles notamment, ce qui est le cas des métabolites du S-métolachlore).

Les données sont extractibles des bases de données nationales EauFrance : Ades (eaux souterraines) et Système d'information sur l'eau (eaux superficielles). Les échelles d’appréhension des contaminations peuvent être très variées. La méthodologie d’interprétation des données de surveillance de l’état de la contamination des eaux de surface par les pesticides a été travaillée à plusieurs reprises par le Cemagref-Irstea et notamment à l’échelle des hydro-écorégions [5]

 

L’organigramme présenté ci-dessous illustre les phases nécessaires à une veille pertinente. Il illustre les compartiments à explorer ou à mettre en œuvre pour tirer profit des données existantes mais très (trop) souvent éparses.

 

[1] https://www.anses.fr/fr/system/files/Fiche_PPV_S-metolachlore.pdf

[3] https://www.anses.fr/fr/system/files/EAUX2021SA0205.pdf

[4] https://www.anses.fr/fr/system/files/Fiche_PPV_S-metolachlore.pdf

[5] Gauroy, C., V. Gouy, et al. (2012). "Interprétation des données de surveillance de la contamination des eaux de surface par les pesticides par hydro-écorégion." Sciences Eaux et Territoires (Hors-série 8) »

Note méthodologique d'anticipation des problèmes liés aux métabolites, exemple de préconisations pour le S-métolachlore (20 février 2023)

Organigramme de la méthodologie visant à détecter les atteintes liées aux métabolites de pesticides

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Méthode ARPEGES: approche régionale de vulnérabilité aux transferts de pesticides, exemple de la Bretagne

Méthode ARPEGES: approche régionale de vulnérabilité aux transferts de pesticides, exemple de la Bretagne

Tag(s) : #Règlementation phytosanitaire
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