Réhabilitons des anciennes zones humides comblées, surtout s'il s'agit de propriétés publiques
En France la doctrine actuelle de préservation des zones humides encore présentes ne suffit pas. Les atteintes à un statu quo souhaité restent trop nombreuses et parfois inexplicables lors des opérations d’urbanismes, tandis que les mesures compensatoires lors de grands travaux offrent des efficacités moyennes en termes de remédiation. D’ailleurs peut-on encore parler de doctrine partagée ? Avec un arrêté du 17 juillet 2024, l’état vient de donner un sérieux coup de canif dans la protection des zones humides en autorisant la création de réserves d’irrigation de moins de un hectare sur des zones humides. L'implantation de retenues ou de plans d'eau artificiels, dans les zones humides, est donc de nouveau permise ! S’agit-il d’un faux-pas ou de décompétence délibérée? Face au changement climatique il nous faut augmenter le maillage de zones humides fonctionnelles au sein de nos territoires et non réduire encore et toujours ces zones indispensables sur les plans biodiversité et hydraulique douce.
- En créant de nouvelles zones humides, par exemple en systématisant les zones tampons humides en sortie de drainages agricoles ou le long des fossés de route (afin de compenser la mode abusive des goudronnages et imperméabilisation des cours de pavillons ou de fermettes qui déversent l’eau pluviale de ruissellement directement sur les chaussées).
- En réhabilitant les zones humides dégradées (drainées) ou comblées : depuis toujours les agriculteurs et les élus ont participés au comblement de zones humides considérées comme des surfaces improductives. Et quoi de plus « naturel » de boucher des trous (fonds de talwegs, chemins creux,…) lorsque l’on a des gravats, de la terre de décaissement et historiquement les poubelles des habitants et entreprises. Nos anciennes décharges municipales, bien que recouvertes et végétalisées, sont toujours bien là, à l’abri des regards.
Dans le secteur de Paimpol, suite à une Conférence sur l’Eau du 11 juillet à Plouézec, animée par Erik Orsenna, Guy Prigent et Gilles Huet, les riverains d’un hameau (Kerleau /Place de la Liberté) de Plourivo ont exprimé leurs inquiétudes face à un projet de la municipalité. Dans ce quartier de Plourivo, un terrain communal est équipé de conteneurs de déchets et sert de point de tri pour des apports volontaires des habitants (permanents ou secondaires). C’est un projet municipal d’implantation de conteneurs semi-enterrés qui a surpris les riverains compte tenu de la nature humide du sous-sol: historiquement une mare était présente sur la parcelle. Ce projet récent semble abandonné, mais le statut de ce terrain mérite d’être certainement reconsidéré.
Mon courrier et son annexe adressés le 8 août à Madame la Maire de Plourivo et à Monsieur le Président de Guingamp-Paimpol-Agglomération sont en pièce jointe : pour cette parcelle de Kerleau, remblayée par la commune, je ne vois qu'une seule solution réaliste: la remise en état de la zone humide initiale.
A l'heure où la simple protection des zones humides existantes ne suffit plus, je pense que nous avons le devoir d'agir et de faire savoir à l’ensemble de la population que les actions correctives qui seront menées sont une absolue nécessité pour l’adaptation de nos territoires au changement climatique.
Mes 50 ans d'agronomie de terrain, mes 33 années de reconquête de la qualité de l'eau, mes 16 années de travail scientifique d'ingénieur-chercheur et de réflexions sur les chemins de l'eau dans les champs et les paysages, me donne la certitude que nos actions pour atténuer les effets du changement climatique sont très insuffisantes. Certes des actions intéressantes menant à des success-stories existent (mais pas vraiment autour de Paimpol dans le Goëlo et bien trop peu en Bretagne !).
Aujourd’hui la prise de conscience semble exister, mais sans vraiment conduire à un engagement de haut niveau en faveur de l’action. Notre impuissance à agir est manifeste et malheureusement nombreux sont les élus insuffisamment visionnaires, d’autant que la pression des lobbys conduit à de trop nombreux renoncements. On privilégie bien trop les investissements répondant aux demandes immédiates des citoyens, mais quid des nécessaires travaux et actions qui permettraient une meilleure adaptation de nos paysages et de nos territoires aux aléas climatiques. Aléas que nous subirons, années après années, avec plus au moins de dégâts voire de destructions.
Etat actuel de l'ancienne zone humide, largement comblée, avec ses conteneurs d'apports volontaires (Plourivo, 13 août 2024)
Mare communale comblée à Kerleau (en bas au centre du cliché) IGNremonterletemps.fr, prise de vue 21 juin 1974 (Plourivo-22)
Courrier du 8 août 2024 à la Maire de Plourivo & au Président de l'agglo Guingamp-Paimpol
Annexes du courrier du 8/08/2024, photo aérienne 1974 et extrait Etat-Major: sources IGN-Géoportail