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Prévention des inondations et des coulées de boues agricoles autour de Paimpol (Côtes d’Armor) : en secteur légumier de bord de Manche.

Le 21 septembre les secteurs de Paimpol, Plouha et Guingamp ont subi une perturbation pluvio-orageuse.  Cumul de 60 mm de pluie en 45 minutes, au plus fort de la pluie intense à Paimpol. Cinq mois de sécheresse se sont terminés en très peu de temps. Depuis la tempête Alex d'octobre 2020, c'est le troisième épisode de coulées de boues importantes. Et si l'on agissait préventivement  de façon ambitieuse? 

Les inondations et coulées de boues à répétition touchant Paimpol montrent, maintenant tous les deux ou trois ans, la fragilité hydraulique du Nord Goëlo. Fragilité liée aux fortes séquences pluvieuses devenues récurrentes mais aussi à une sensibilité forte aux ruissellements du territoire et à la situation en cuvette de Paimpol. Sur un territoire intrinsèquement fragile (terres limoneuses, pentes,…), la déstructuration du bocage et l’agrandissement continu des parcelles conduit à une quasi-incompatibilité avec les cultures cultivées en rang : les choux fleurs d’automne et d’hiver bien évidemment, mais aussi le maïs et autres cultures de printemps. En cas d’épisodes pluvieux intenses les ruissellements peuvent devenir excessifs et dommageables à l’aval urbanisé autour de Paimpol et de son centre-ville.

Sur le plan prévention des inondations, il est absolument nécessaire d’avoir des actions préventives, afin de réduire dès l’amont des bassins versants côtiers, les ruissellements agricoles et les écoulements rapides induits. Sans oublier les ruissellements liés aux habitations, aux hameaux et bourgs et aux infrastructures routières, voire ferrées. Les écoulements d’eau rapides révèlent aussi une sensibilité importante aux transferts de polluants : l’étude sur les ruisseaux côtiers du Nord Goëlo et du littoral Trégorrois (financement Agence de l’Eau Loire Bretagne) confirme des niveaux pouvant être importants de nitrates et de phosphates en « route » vers la mer et les secteurs ostréicoles.

Il faut agir sur la réorganisation et végétalisation des éléments du paysage (bocage : talus et haies, chemins de l’eau,…) et développer des pratiques culturales les moins impactantes possible.

 

Réorganisation paysagère et hydraulique douce

                La reconstitution du bocage et surtout du maillage bocager est bien sûr fondamentale, face aux très nombreux défis liés au changement climatique. Mais ce ne peut pas être la seule voie d’entrée. L’«entretien» estival très ras à l’épareuse en fin de nidification des talus bocagers des secteurs légumiers est une mauvaise pratique agro-écologique (notamment en période de sécheresse comme 2022 et 2025). Et ce type d’entretien empêche toute régénération naturelle du bocage. De jeunes haies bocagères plantées il y a une dizaine d’années sur le secteur de Kergall - Kerascoët à Ploubazlanec n’ont pas résisté aux étés secs et aussi au manque d’attention des agriculteurs riverains. L’entretien du bocage est un réel sujet qui peut difficilement être géré au niveau individuel ou tout du moins sans implication de structures collectives et sans actions volontaristes des collectivités.

Les talus sont efficaces assez rapidement une fois le talutage effectué à condition de modifier et déplacer les entrées de champs historiquement situés en bas ou en coin aval des parcelles de plus en plus grande. Nos anciens semaient de l’ajonc sur les talus pour nourrir les chevaux : pourquoi en communes touristiques ne sèmerions nous pas du genêt et de l’ajonc sur les talus nus encore présents en secteurs légumiers ? la succession de floraisons jaune seraient d’un bel effet.

Les processus de décision et de confection des talus étant longs, il faut mettre en place d’autres mesures d’atténuation rapidement efficace à court termes, mesures qui par ailleurs se révèleront complémentaires dans la durée. Nous avons besoin de ceintures et de bretelles. La mesure la plus simple et la plus rapide à mettre en œuvre est la bande enherbée de 10 mètres en bas de pente ou en milieu de coteau. Une bande enherbée non-tassée permet une bonne interception des ruissellements diffus et favorise l’infiltration dans les sols. Par contre elle ne doit pas servir aux passages des tracteurs, et il faut compter trois ans pour avoir une pleine efficacité en termes de capacités d’infiltration. La taille idéale d’une bande enherbée peut être appréhendée grâce à l’outil de dimensionnement BUVARD de l’Inrae de Lyon. Pour les trop longues parcelles une largeur de 20 m sera certainement nécessaire, l’idéal étant la reconstruction de talus en travers de la pente.

La mise en place de fascines (tressage de branches de saule) est également très intéressante vis-à-vis du ruissellement concentré par le buttage ou la microtopographie intraparcellaire (pente trop longue, double pente,…). Les fascines présentent l’avantage d’être efficace dès leur mise en œuvre, par contre elles nécessitent un rechargement régulier en fagots à moins d’opter pour des fascines vivantes grâce à des saules plantés.

 

Agir sur les chemins de l’eau, hydrologie régénérative

Depuis 80 ans les circuits de l’eau ont été parfois très largement modifiés que ce soit en zone agricole ou en secteurs urbanisés: « redressements » de ruisseaux, busage de fossés, drainage agricole, arasement de talus ayant une fonction hydraulique : couple talus-fossé, talus perpendiculaires à la pente. Imperméabilisation souvent excessive, fossés routiers se déversant directement dans le chevelu hydrographique,  enfouissement de ruisseaux, …

  • Il en est résulté une chenalisation du réseau des eaux de surface avec deux effets majeurs : une accélération de la vitesse de l’eau, qui en Nord Bretagne part très (et trop) rapidement à la mer.
  • Les crues sont de plus en plus souvent des crues « éclair » : montée très rapide des débits en quelques heures, qui redescendent en deux jours. Sur le Leff et le Trieux, les stations de jaugeages montrent très bien ce phénomène : intervenant sur des sols secs les pluies intenses du 21 et 22 septembre démontrent tout à fait cette notion de rapidité des évènements : en effet dès la nuit du 24 au 25 septembre les débits étaient à nouveaux faibles (moins de 1/10° des pics de crues des 21-22 septembre).

Il faut ralentir l’eau et donc revisiter nombre d’aménagements urbains, ruraux ou agricoles pour y appliquer les techniques de type MNRE (mesures naturelles de rétention des eaux) basées sur des solutions fondées sur la nature.

 

Agir grâce aux pratiques culturales

Le but à atteindre lors des travaux du sol est de limiter au maximum la naissance du ruissellement. Il faut donc veiller à préserver une perméabilité des sols optimale (pas de tassements) et une bonne rugosité de surface (mottes, couverts végétaux,…). La meilleure perméabilité des sols est observée en forêt (litières épaisses, fortes teneurs de la surface du sol en matière organique, zéro tassements) et en prairies naturelles. Malheureusement les prairies ont quasiment disparues du paysage paimpolais.   

Outre des bandes enherbées de 10 mètres, ou plus, en bas de pente ou en milieu de coteau, la mise en place de fascines localisées dans les parcelles est également très intéressante vis-à-vis du ruissellement concentré. En cas de pluies intenses ces deux mesures sont très complémentaires. Elles ont fait leur preuve en Haute Normandie (Pays de Caux) et dans les Hauts de France en sols limoneux très érosifs[i].

La station Terre d’Essais de Pleumeur Gautier (22), teste des enherbements et des couverts en choux fleurs et en artichauts.          A priori ce n’est pas simple, mais il faut autant que faire se peut massifier ce type d’approche notamment en bas de parcelles.

 

La taille des parcelles et le sens du travail du sol doivent aussi être adapté aux risques de ruissellements de la parcelle vers de l’îlot parcellaire : un diagnostic parcellaire devrait être généralisé en commençant par les secteurs et coteaux générant des coulées de boues trop régulièrement (tous les 2-3 ans), coulées de boues qui impactent fortement les habitations et les routes et que génèrent des coûts importants pour les collectivités, les assurances et donc le contribuable-consommateur.

Conclusion

Les techniques et dispositifs évoqués dans cette note ont un point commun : celui de participer à l’adaptation au changement climatique au travers de la culture de l’eau verte et de la prise en compte de la biodiversité. Agir en faveur de l’eau verte est le seul moyen durable en termes d’adaptation aux aléas (sécheresses, pluies intenses,…). Un gain de capacité de stockage des sols agricoles, conforté par des actions dynamiques sur les chemins de l’eau, apporteront une amélioration non négligeable de nos ressources en eau. La préservation des milieux aquatiques en dépend et bien sûr notre approvisionnement en eau potable est également à ce prix :

Stockons l’eau verte dans nos sols agricoles et dans nos paysages, tout en avançant

sur le long chemin vers le retour de la perméabilité des sols en ville (ville-éponge).

               

 

[i] Limons éoliens provenant de la Manche asséchée et ventée lors de la dernière glaciation et comparables aux limons de notre ceinture légumière

Débordement de trop grande parcelle sans talus: chemin de Traou Kerarzic, Ploubazlanec-22 (22 sept 2025)

Débordement de trop grande parcelle sans talus: chemin de Traou Kerarzic, Ploubazlanec-22 (22 sept 2025)

Très grande parcelle à l'origine d'un fort ruissellement: chemin de Traou Kerarzic, Ploubazlanec-22 (22 sept 2025)

Très grande parcelle à l'origine d'un fort ruissellement: chemin de Traou Kerarzic, Ploubazlanec-22 (22 sept 2025)

Erosion importante en parcelles de choux-fleurs: chemin de Traou Kerarzic, Ploubazlanec-22 (22 sept 2025)

Erosion importante en parcelles de choux-fleurs: chemin de Traou Kerarzic, Ploubazlanec-22 (22 sept 2025)

Coulée de boue atteignant une zone urbaine, rue Marcel Cachin à Paimpol-22 (22 septembre 2025)

Coulée de boue atteignant une zone urbaine, rue Marcel Cachin à Paimpol-22 (22 septembre 2025)

Dans la "cuvette  topographique" de Paimpol (22), les limons arrivent toujours dans le port (16 octobre 2025)

Dans la "cuvette topographique" de Paimpol (22), les limons arrivent toujours dans le port (16 octobre 2025)

Tag(s) : #Adaptation au changement climatique
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