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COP 15 de la Biodiversité, appliquerons-nous la protection règlementaire de la biodiversité vis-à-vis des pesticides ?

La COP 15 Biodiversité vient de se terminer avec un accord dit de Kunming-Montréal et une feuille de route portant sur 23 mesures. La plus connue et la plus médiatisée vise la protection de 30% de la planète d’ici 2030 (contre 23% à ce jour). Mais il est également convenu de réduire de moitié les risques liés aux pesticides. D’ici 2030 cela paraît irréaliste.

En France le plan Ecophyto, lancé en 2008 est encore très loin du compte malgré les millions d’euros dépensés chaque année. Des volets ont été rajoutés au fil des différents plans Ecophyto (I, II, II bis), comme l’atténuation des transferts hydriques et la prise en compte de la santé humaine. Cependant pour la protection de la biodiversité le compte n’y est pas malgré les études et les publications qui ne laissent entrevoir aucune ambigüité : l’emploi des pesticides à grand échelle nuit à la biodiversité.

J’ai déjà abordé un point qui reste dans l’ombre depuis 2011 : la mise en œuvre des recommandations de protection de la biodiversité présente dans et sur les zones non cultivées adjacentes, déclinées en deux mesures règlementaires dite Spe3, concernant les arthropodes non cibles et la flore non cible. 

L’article le plus récent de ce blog sur ce sujet date de février 2022 : Une indispensable Révolution Agro-Environnementale dès 2022 ou DON’T LOOK DOWN ? partie 2 : application des mesures règlementaires Spe3 de protection de la Biodiversité ?

https://www.guylehenaffagreaunome.fr/2022/02/revolution-agro-environnementale-application-des-mesures-reglementaires-spe3-de-protection-de-la-biodiversite.html

Les Zones Non Traitées (ZNT, de 5 m en général) destinées à protéger la biodiversité (arthropodes non cibles et flore non cible) sont également nommées ZNCA (zones non cultivées adjacentes). Elles sont requises depuis 2011 lors des Autorisations de Mise sur le Marchés pour les spécialités commerciales qui autrement présenteraient un risque inacceptable pour la biodiversité. Ces mesures d’atténuation des risques requises et règlementairement obligatoires ne sont toujours pas mises en œuvre 12 ans plus tard lors des applications de pesticides! L’« arrêté pesticides » de mai 2017 aurait dû donner les clefs pour une généralisation de la mise en œuvre aux champs de ces ZNT biodiversité et permettre le porté à connaissance notamment via les DRAAF[i] et les organismes agricoles. Mais la profession agricole a mis son véto en 2016 et les arbitrages interministériels ont entériné cette mise à la trappe. Depuis 2017 on est donc dans un flou certain vis à vis de leur mise en œuvre réglementaire, alors que tout applicateur de phytosanitaires doit se conformer aux mesures figurant sur les étiquettes et provenant des avis de mise sur le marché des spécialités phytopharmaceutiques. Ces mesures de protection d’espaces semi-naturels seraient pourtant les bienvenues à l’heure où les études prouvent sans ambigüité les fortes atteintes provoquées par les pesticides à la biodiversité de nos campagnes.

Quelques contrôles auraient été réalisés, mais nous ne pouvons pas rester dans un « no man’s land » administratif et technique, alors que les oiseaux de nos campagnes se raréfient, que les pollinisateurs sauvages ou élevés (abeilles) et les plantes messicoles sont à la peine depuis des décennies. Certes ces évolutions multifactorielles sont liées également à d’autres causes comme la spécialisation des territoires (céréalisation. etc.) et l’uniformisation des cultures sur de très grandes surfaces, rendues possibles grâce aux effets correcteurs d’équilibre des pesticides, uniformisation créent des disettes alimentaires[ii] pour nos oiseaux insectivores ou granivores, , nos abeilles et autres insectes,…

            Plus le temps passe et plus j’ai le sentiment que le choix fait en 2009 par le ministère de l’Agriculture d’arrêter ses activités techniques autour des pesticides en sabordant les SRPV (Services Régionaux de la Protection des Végétaux) n’était pas le bon. Cette perte de compétences internes et d’expertises se paye au prix fort et participe actuellement au manque d’agilité des services de l’état, y compris face à des atteintes à l’environnement irréfutables, qu’elles soient anciennes, actuelles ou prévisibles.

            En agronomie et en agroécologie, les chemins à prendre ou à explorer sont multiples et ils peuvent être sinueux. Mais il est grand temps d’inviter les enjeux liés à la biodiversité au sein de chaque exploitation, de chaque parcelle et donc au sein de chaque décision politique. Les zones non traitées ne sont pas les seules mesures utiles : on pourrait aisément trouver des techniques ou dispositifs équivalents (nouvelles haies, nouvelles zones humides, gestions différenciées des bords de champs,…). Encore faut-il mettre l’ouvrage sur le métier, sortir la tête du sable et arrêter de se tirer des balles dans le pied. La liste est longue des rendez-vous manqués à cause de la pression des organisations agricoles majoritaires : atermoiements dans le déploiement des bandes enherbées, tergiversations dans la définition des cours d’eau[iii], manque de discernements dans le choix et la gestion des molécules phytosanitaires employées et parfois inadaptées aux contextes pédoclimatiques (métabolites !!), etc.

Au lieu de gagner progressivement en capacité de résilience de nos territoires en mettant en place des éléments du paysage et des dispositifs adaptés, nous avons perdu du temps et le compte n’y est pas dans nos capacités d’adaptation aux aléas climatiques de plus en plus nombreux en lien avec le réchauffement :

 « Le meilleur moment pour planter un arbre c’était il y a 20 ans »[iv].

 

[i] DRAAF : Direction Régionale de l’Agriculture et de la Forêt

[ii] Disettes encore accentuées par les applications de glyphosate sur chaumes et intercultures.

[iii] On n’est pas encore au bon niveau : nombreuses sont les portions de petit chevelu hydrographique qui ont encore un statut erroné de fossés

[iv]« Le meilleur premier moment pour planter un arbre c’était il y a 20 ans, le deuxième meilleur moment c’est aujourd’hui ». (Vieux proverbe chinois)

En zones légumières bretonnes: pas de zone de transition et un talus scalpé ! (Ploubazlanec, 08 aout 2022

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Haie bocagère mature qui mériterai une bande tampon de protection (Plourivo-22, 6 avril 2021)

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Tag(s) : #Règlementation phytosanitaire, #Territoires résilients
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