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Vigne du Beaujolais de coteau le 4 avril 2017

Vigne du Beaujolais de coteau le 4 avril 2017

Le renouvellement de l’autorisation d’utilisation du glyphosate fait couler beaucoup d’encre et met en avant de très nombreux arguments issus des différentes parties prenantes. Je laisserai volontairement de côté les aspects risques pour la santé, dans ce domaine très important mon expérience  d’agronome n’apporterai pas d’éléments pertinents au débat intense du moment. Par contre je pense utile d’argumenter autour de points trop rarement abordés. Il y a, me semble-t-il des aspects jamais évoqués autour du glyphosate. Les surfaces recevant du glyphosate ont fortement progressées, notamment depuis les années 2000 : développement des techniques sans labour, destruction des couverts piège à nitrates, lutte contre les graminées résistantes aux herbicides foliaires, faible coût et facilité d’emploi, effet de mode. Certes les doses utilisées en agriculture sont raisonnées, mais même une dose réduite d’un litre de Roundup (ou de ses génériques), soit 360 g/ha, sur plusieurs millions d’hectare cela fait des milliers de tonnes de substances actives épandues

A-t-on tout fait pour limiter les effets non intentionnels d’une telle utilisation à grande échelle ? Quelles précautions et protections avons-nous mis en œuvre à grande échelle pour protéger les riverains et les milieux non cibles : riverains, milieux aquatiques, espaces terrestres voisins des zones d’application ?

Après 40 ans de fonction publique et d’activité professionnelle autour des phytosanitaires, je réponds par la négative aux questions posées ci-dessus. Il y a bien entendu de nombreux exemples de bonne gestion et de très nombreux agriculteurs ont des pratiques respectueuses. Mais des success-stories, même nombreuses ne sont pas suffisantes face aux enjeux sociétaux et environnementaux liés à l’application de produits phytosanitaires sur 15 millions d’hectares.

La contamination des masses d'eau par le glyphosate (et l’AMPA d’origine agricole) intervient principalement par les transferts hydriques de surface et les ruissellements issus des terres agricoles. Or le monde agricole est loin de mettre en application les bonnes pratiques à mettre en œuvre de façon généralisée afin d'atténuer ces ruissellements en surface et donc les sorties de l'eau contaminée par les pesticides des parcelles. Les arguments simplistes (c'est la faute aux jardiniers amateurs!,...) ne seront sans doute pas suffisants pour sauver le soldat glyphosate, aussi indispensable soit-il pour l’agriculture, la gestion des résistances et les techniques de limitation du travail du sol. Outre la réduction de son emploi, il est nécessaire que les organismes agricoles s'emparent enfin de la problématique des transferts de surface des pesticides d'autant que de nombreuses solutions simples et peu onéreuses existent : techniques culturales appropriées, atténuation des transferts hydriques et zones tampons d'interception et de biodégradation. Notons aussi que ces solutions ont par ailleurs un grand intérêt pour la protection des riverains qu’il devient primordial de prendre réellement en compte sans se cantonner aux techniques anti-dérives et à la seule médiation entre protagonistes, bien que cette dernière soit bien évidemment indispensable.

Que le glyphosate soit ré-autorisé ou obtienne un sursis significatif, il conviendra me semble-t-il, de passer à la vitesse supérieure pour la gestion de cette molécule mais aussi pour l’ensemble des produits phytosanitaires employés sur de très grandes surfaces ou non.

  • Il faudrait impérativement une meilleure gestion des champs et de leurs abords afin de limiter les transferts vers les milieux aquatiques : accroître la rugosité des sols en surface et les bonnes fonctionnalités des zones tampons ; diagnostiquer les chemins de l’eau au sein des versants et remédier rapidement par des techniques et pratiques aux dysfonctionnements hydrauliques. Cette remarque est particulièrement importante pour les vignobles en pentes
  • Les connaissances sur les transferts hydriques des pesticides sont très fragmentaires en travail simplifiés où très réduits : il faut mieux connaitre agronomiquement et hydroloqiquement ces systèmes nouveaux de non-labour. Cela nécessite bien sûr une grande transparence sur les pratiques phytosanitaires misent en œuvre dans les diverses techniques de non labour.
  • En système labour, où par définition la gestion des adventices se fait mécaniquement, il y a depuis de longues années un emploi pas toujours justifié du glyphosate. On peut sans doute employer le terme d’emploi de confort (voire parfois de mode) permettant de gérer plus facilement les repousses et les couverts automnaux.
  • La prévention des résistances des adventices aux herbicides, ne peut pas uniquement être basée sur l’emploi du glyphosate en inter-cultures. La rotation des cultures et des techniques de gestion des mauvaises herbes : chimiques ou mécaniques, différents modes d’action des herbicides employés, plantes compagnes,… doivent être mises en œuvre.

La cogestion et la course à la lenteur ne devrait plus être de mise. Le monde agricole crie « au loup » devant les échéances qui se rapprochent et notamment la probabilité d’arrêt de l’autorisation du glyphosate. Mais il y a à peine six mois, le syndicat agricole majoritaire a refusé toute évolution ou adoption nouvelles de mesures de gestion règlementaires applicables lors des interventions au champ. Au nom de trop grandes contraintes environnementales, dénoncées par les agriculteurs bien que cela ne puisse logiquement pas s’appliquer aux produits présentant des risques sanitaires, l’agriculture française a perdu une bonne occasion de mieux prendre en compte la nécessaire et constante amélioration de l’emploi des pesticides. L’arrêté interministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants n’est donc pas à la hauteur des attentes et des exigences nouvelles liées aux nouvelles connaissances. Nous sommes maintenant théoriquement dans un imbroglio règlementaire: en respectant cet arrêté rendu très imparfait, l’agriculteur dans bien des cas, ne respecte plus les indications portées sur les étiquettes, qui elles devraient faire foi. Étiquettes qui reprennent les recommandations et les exigences dictées par l’Agence sanitaire (ANSES) suite aux processus d’évaluation, et qui prennent donc en compte le renforcement des connaissances et la nécessité de toujours progresser dans l’emploi des produits phytosanitaires.

Dans une carrière de quatre décennies consacrées aux pesticides dans les champs et les territoires, on connait évidemment plusieurs périodes de forte intensité. J’ai particulièrement été touché dès 1990 par les premiers suivis des pesticides dans les eaux, puis par le dossier atrazine qui malheureusement n’a pas servi suffisamment de signal d’alarme. Techniquement, j’ai aussi essuyé les plâtres de nombreuses fois sans avoir l’adhésion suffisante de la profession agricole : Zéro-atrazine sur maïs, Modélisation et lutte raisonnée contre les maladies du blé, Désherbinage du maïs, Plantes pièges en colza, Réduction des phytos et  Lutte intégrée en grandes cultures, Atténuation des transferts hydriques des pesticides,…

Mon sentiment tourne autour du constat que l’emploi de produits phytosanitaires, jugés nécessaires, doit se faire en faisant appel à toutes nos connaissances les plus récentes (quitte à bousculer nos paradigmes et les intérêts à court terme) et en appliquant les précautions et mesures jugées indispensables : dans ce domaine à forts enjeux, nous sommes tenus à toujours sortir par le haut. C’est la santé des applicateurs et des riverains qui est en jeu, ainsi que la nécessaire protection des écosystèmes et de la biodiversité. Mais sans doute faudra-t-il enfin considérer que notre alimentation mérite mieux que le libre-échange mondial, d’autant que cette mondialisation menace également la survie économique de nos fermes et de nos agriculteurs.

Tag(s) : #Règlementation phytosanitaire
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