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Ecophyto, un chemin pavé de reculades : Rétrophyto ?

En termes de protection des cultures la pause puis les reculs décidés suite aux manifestations n'ont pas de sens. Les pesticides c'est aussi une importante question de santé publique et d'environnement. Face à une problématique aussi importante que celles des phytosanitaires et de leurs métabolites, il n’y a qu’une route qui vaille : la marche en avant en intégrant systématiquement la progression des connaissances.

Depuis le premier plan Ecophyto de 2008, les réductions d'emploi sont surtout dues aux interdictions ou aux réductions d’emploi règlementaires (glyphosate). Les efforts de réductions sont réels chez les agriculteurs proactifs mais les réductions volontaires de grande ampleur restent insignifiantes. La profession agricole (instituts techniques, Chambres d’agriculture, coopératives et négociants) est trop timorée sur le sujet. Il y a bien des actions positives comme la filière Envi en Bretagne : « porcs nourris de céréales sans pesticides » de la Cooperl, mais le maïs et le blé se prêtent plutôt bien au « zéro phyto »

Il y a des résultats en fermes Dephy, mais beaucoup des bonnes pratiques misent en œuvre existaient déjà avant 2008, et la massification des réductions n'est pas en route. Les exemples réussis les plus souvent cités et les plus solides sont des fermes avec prairies dans la rotation (systèmes pâturants) ou les techniques de semis directs sous couverts, qui restent toutefois le plus souvent dépendant du glyphosate à dose "maitrisée ».

La nouvelle mouture du plan Ecophyto manque d'ambition pour la protection des riverains : le problème n’est absolument pas réglé et n’est pas prêt de l’être. Une solution correcte et globalement acceptable en termes de risques existe. Il faut reculer significativement les applications des bordures de champs et bien sûr systématiser l’emploi de buses anti-dérive. Pour les produits phytosanitaires les moins dangereux il faudrait au minimum 5 mètres de ZNT généralisées (zone non traitée) le long des zones à protéger. Une gestion différenciée de ces bords de champs est possible techniquement : désherbage mécanique, variétés résistantes aux maladies et aux risques liés aux insectes. Idem pour la protection de la biodiversité : malgré le déclin et les preuves scientifiques (expertise collective Inrae-Ifremer), les mesures de protection des zones non cultivées adjacentes (ZNCA) de bords de champs sont très insuffisamment mises en place. Elles sont pourtant obligatoires afin d’avoir des risques acceptables pour les arthropodes et la flore de bordure. Certes ces ZNT varient de largeur en fonction de la dangerosité des matières actives, mais la solution la plus simple et la plus durable n’est-elle pas d’arrêter de traiter l'ensemble des bords de champs ou au moins mettre en place des alternatives protégeant la biodiversité de nos campagnes?

L'agroécologie est l’une des grandes perdantes du recul des administrations face à la pression des professionnels agricoles les plus déterminés. Mais l’adaptation de l’agriculture au changement climatique est malheureusement retardée (jachères, prairies, rotations,…)! Et les pauses règlementaires pénalisent la biodiversité, pourtant en danger, et de façon encore plus inexplicable la santé publique.

Malgré les dépenses importantes consenties, Ecophyto n'a pas permis d'anticiper la contamination généralisée des eaux brutes par des métabolites (ESA-métolachlore, métabolites  du chlorothalonil, "desphényl-chloridazone". Les méthodes de mise en œuvre d’une vigilance existent mais le pilotage n'a pas été à la hauteur au détriment de toute anticipation. Pour le suivi de l’emploi des pesticides, l'indicateur HRI 1 créé en 2019, est moins disant que le NODU utilisé depuis 2008. Le changement de thermomètre sera inopérant, sauf à garder le NODU, les QSA et les IFT pour un suivi pérenne des pratiques phytosanitaires. Les experts de Conseil Scientifique d'Ecophyto se sont prononcés pour garder le NODU, quitte à l’actualiser un peu. En fait l’indicateur HRI1 a un avantage : il prend en compte la toxicité des produits. Mais la réduction des CMR a déjà été plutôt bien menée depuis plusieurs années : d'où d’ailleurs des impasses techniques qui se font jour en arboriculture et maraîchage. Le nouvel indicateur n'apportera rien: par contre il donnera une illusion de réduction car les résultats profiteront de la baisse d'utilisation des produits les plus dangereux. Si les autres utilisations progressent, ce sera quasi indolore alors que la progression des connaissances scientifiques peut à tout moment modifier les classements.

Quinze ans après avoir sabordé le service public de conseil aux agriculteurs, éditant les Avertissements Agricoles® des Services Régionaux de la Protection des Végétaux, le Ministère de l’Agriculture n’a pas trouvé le bon équilibre pour les conseils liés aux bio-agresseurs des plantes cultivées. Ce manque de « feeling » est inquiétant car il démarque un manque de connaissance du terrain, des pratiques des organismes agricoles et des réalités sociologiques. La séparation, souhaitable,  des ventes et du conseil est une chimère certainement inatteignable car déconnectée des réalités. Du côté du conseil stratégique, qui va être réformé, la réussite n’est pas non plus au rendez-vous. Alors que la transition des pratiques et des systèmes de production requièrent un accompagnement resserré, une disponibilité importante et une proximité intellectuelle, un conseil stratégique à intervalle très lâche présente peu d’intérêt.

Ce quatrième plan Ecophyto ne suscite guère d’enthousiasme : il manque d’ambitions, il entérine des atteintes à la biodiversité et à l'agroécologie, sans vraiment améliorer la protection des riverains.  Il manque toujours d’un pilotage vraiment éclairé et inspiré par les connaissances scientifiques (eau potable, résilience des territoires, ...). Le changement de thermomètre semble inopportun et ne permettra pas de suivre finement les évolutions de pratiques. Cela ne permettra pas de mettre en valeur les efforts des agriculteurs en transition.

Bordure de champ agroécologique : Rohan - 56 (24 août 2019)

Bordure de champ agroécologique : Rohan - 56 (24 août 2019)

Bande enherbée d'éloignement par rapport aux riverains d'un lotissement : Saint-Julie -Ain (21 octobre 2021)

Bande enherbée d'éloignement par rapport aux riverains d'un lotissement : Saint-Julie -Ain (21 octobre 2021)

Haie bocagère à plusieurs strates : Plourivo - 22 (6 avril 2021)

Haie bocagère à plusieurs strates : Plourivo - 22 (6 avril 2021)

Zone de transition herbeuse en Dombes entre parcelle et fossé bordant une forêt : Birieux - Ain (23 mars 2017)

Zone de transition herbeuse en Dombes entre parcelle et fossé bordant une forêt : Birieux - Ain (23 mars 2017)

Tag(s) : #Ecophyto-Vigilance, #Règlementation phytosanitaire
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