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Sortie de busage en amont direct du lotissement du Pré de Maison, St Jean sur Reyssouze-01, 17 juil 2015

Sortie de busage en amont direct du lotissement du Pré de Maison, St Jean sur Reyssouze-01, 17 juil 2015

Photo aérienne du territoire de Saint Jean sur Reyssouze (photo aérienne Géoportail, 26/7/2018

Photo aérienne du territoire de Saint Jean sur Reyssouze (photo aérienne Géoportail, 26/7/2018

Aménagement rural et dysfonctionnements: St Jean sur Reyssouze, une commune semblable à des milliers d’autres...

Nombreuses sont les communes ou les collectivités qui sont face à des problèmes d’inondations, de coulées de boues, de pollutions diffuses (nutriments, pesticides,….). Très souvent les solutions sont connues, parfois simples à mettre en œuvre, mais même en cas d’investissements réalisés ils ne sont pas toujours les plus efficients. En zones agricoles et rurales, c’est un véritable plan « Marshall » dont nous avons besoin, pour réaménager et adapter les parcelles au changement climatique. Mais il faudrait bien sûr une vision globale, objective et indépendante. Il s’agit de bien identifier les dysfonctionnements de territoires « modernisés » depuis 75 ans, mais le plus souvent sans cohérences entre les aménagements successifs. L’exemple de Saint Jean sur Reyssouze, reste pour moi un cas type, très illustratif sur le plan historique de modifications profondes du parcellaire et des zones habitées. Modifications qui aboutissent à des dysfonctionnements et plus généralement une mauvaise résilience face aux effets du changement climatique (pluies intenses, canicules, nouveaux bioagresseurs,…)

Comme la plupart des 35 000 communes de France, le territoire de cette petite commune rurale bressane, située dans l’Ain,  a fortement évolué depuis 75 ans. Mais en l’absence de coordinations des aménagements agricoles, hydrauliques, routiers et résidentiels, la modernisation du territoire abouti à des problèmes récurrents d’inondations. Sont concernées les habitations construites de plein pied au nord Est du village: lotissement du Pré de Maison, situé en aval du principal bassin versant de la commune, le Bief de Barbery. Or les dysfonctionnements hydrauliques sont réguliers lors d’épisodes pluvieux importants et/ou de longue durée.

En 2015, Héloïse Grimbert du Syndicat du Bassin Versant de la Reyssouze (SBVR) a sollicité mon intervention d’ingénieur- chercheur à l’Irstea de Lyon. A l’origine c’est la commune de Saint Jean sur Reyssouze, qui constatant les inondations et les dégâts de eaux souhaitait trouver une solution pour que ce type d’évènement ne se reproduise pas. L’évènement déclencheur était celui des 26 et 27 novembre 2012 : « A St Jean sur Reyssouze, le bief de Barbery est entré en crue, inondant le lot du Pré de Maison. Plusieurs riverains aidés des pompiers ont improvisé des barrages et les habitants d'une villa ont dû être relogés en soirée par la mairie. » (site Météo01 : http://www.meteo01.fr/news.php?lng=fr&pg=3624). Les dégâts n’ont pas été jugés très importants, la commune n’a donc pas été reconnue en état de catastrophe naturelle (JO du 20 février 2013).

Au printemps 2015, Guillaume Dussuyer (stagiaire sous ma responsabilité) engageait une étude portant sur la « Végétalisation de petits réseaux hydrographiques en versant agricole et réduction des contaminations par les produits phytosanitaires »: en accord avec le SBVR, c’est le sous-bassin versant du Reyssouzet qui a été étudié (Dussuyer G. et Le Hénaff G. 2015 : note de synthèse en annexe). Parallèlement, le territoire communal de Saint Jean est apparu intéressant à étudier. Cela passait par un diagnostic de terrain pour comprendre le cheminement des eaux pluviales et agricoles, afin d’être en capacité de proposer des dispositifs d’hydraulique douce capables de réduire les ruissellements, puis les écoulements et les pics de débit en aval.

En septembre 2015, les résultats et réflexions ont été partagés avec les élus et les agriculteurs, mais hélas, cinq ans plus tard, le bilan en 2020 est peu réjouissant : rien de structurant n’a été fait, y compris des aménagements basiques et peu onéreux. En fait les projets communaux n’ont suscités que peu d’intérêt, et aucun financeur potentiel et légitime n’a suivi la commune (Conseil Départemental de l’Ain, Agence de l’Eau Rhône Méditerranée, Chambre d’agriculture de l’Ain,…).

 

Etude de diagnostic du Bief de Barbery (affluent du bief d’Augiors, BV de la Reyssouze)

Historique des aménagements agricoles et hydrauliques : au sortir de la deuxième guerre mondiale (mars 1945), St Jean présente des cultures en bans dans de petites parcelles (les moins humides). Les prairies sont plutôt grandes et entourées de haies à faibles emprises (à entretiens fréquents car sources de bois de chauffage). La vue aérienne de l’IGN de 1970 montre un agrandissement des parcelles et une réduction des haies. En août 1994, l’agrandissement parcellaire s’est poursuivi avec toujours moins de haies. C’est aussi la fin de décennies de drainage en Bresse (1971-1994). Enfin  en 2012, les haies ont persistées le long des zones habitées, mais ailleurs non !! Il est vraisemblable que les busages ont continués durant les toutes dernières décennies. Au final le territoire a été fortement drainé, d’où la nécessité de prendre en compte ce drainage omniprésent ainsi que les fossés de routes, véritables voies express aux écoulements hydriques.

Réflexions issues du diagnostic hydro-agronomique visuel du BV du Bief de Barbery en 2015

(cf note du 15 sept 2015, en fichier joint, Guy Le Hénaff et Héloïse Grimbert et l’illustration).

Nombreuses sont les parcelles drainées, les chemins de l’eau sont donc très fortement liés avec les travaux de drainage, de calibrage des fossés et de busage en bas du grand talweg. A noter aussi plusieurs routes situées en perpendiculaires du talweg occupé par le Bief de Barbery. Les busages de passages de ces routes fournissent d’ailleurs d’excellents points où une régulation des débits est envisageable, via des aménagements simples. Un fossé important, situé au sud, pourrait également permettre de ralentir les écoulements (élargissement et bande enherbée adjacente ?). Plusieurs points bas (mares, prairies pourraient aisément accueillir des zones tampons humides artificielles afin de stocker temporairement les eaux et de réduire les pollutions diffuses (pesticides, nitrate, phosphore et sédiments). Plus globalement des haies doivent être réimplantées en travers des pentes (il existe d’anciens « rideaux » ou talus-marche) lorsque les plans de drainage le permettent en faisant à minima appel à des essences arbustives faciles à entretenir.

Remarque : voici en complément de l’analyse de terrain de 2015, un extrait de l’Etude de faisabilité – zones humides de la Reyssouze (2017 : CEN Rhône Alpes et SBVReyssouze) : « Saint Jean sur Reyssouze, commune très agricole, a le plus grand nombre d’hectares drainés du bassin versant. Les surfaces en maïs y sont plus importantes, les linéaires de haies plutôt réduits, ce qui rend ce secteur plus sensible à l’érosion par ruissellement….»

 

Discussion et conclusion

Mes vécus professionnels, associatifs et personnels sur un nombre important de territoires agricoles et viticoles mettent toujours en avant des causes identiques qui provoquent des désordres pourtant apparemment différents. Il y a en toile de fond, me semble-t-il, systématiquement une volonté de vouloir faire produire à notre terre nourricière plus qu’elle ne peut. On a donc

  • une inadéquation entre les activités humaines (agriculture mais pas que !) et la vulnérabilité pédoclimatiques de milieux. Et plus récemment une artificialisation importante de certaines petites régions : bâtiments d’élevage industriels mais aussi en bovins, serres implantées le plus souvent sur des terres légumières, parfois les meilleures du département !
  • Une déstructuration du maillage parcellaire et paysager, au profit d’objectifs court-termistes : pseudo-modernisme, recherche de productivité des hommes et des hectares en lien avec des prix à la production insuffisants ou pour d’autres raisons, tailles démesurées du matériel et des parcelles, …

Cela concerne des problèmes aussi différents que des inondations et coulées de boues, une atteinte forte aux cours d’eau (zones de sources, zones humides, séquelles de la chenalisation, insuffisance des ripisylves,…), une fragmentation excessive des écosystèmes et des habitats avec pertes importantes de biodiversité, des atteintes à la qualité des eaux de surface et souterraines (sédiments, eutrophisation, nitrates, pesticides,…), un déficit majeur d’infiltration des eaux de pluviales (dès la parcelle) qui se traduit par des soutiens d’étiage insuffisants couplés à une tension forte sur le plan quantitatif.

Des territoires ont amorcés des trajectoires intéressantes, mais des success-story, géographiquement limitées, ne suffiront pas à atténuer les dérèglements liés au changement climatique. Les progrès technologiques, très souvent mis en avant et très largement financés, seront également vraisemblablement insuffisants.

Les enjeux autour de la biodiversité et ceux liés au réchauffement climatique doivent nous amener à revisiter nos territoires agricoles, déstructurés durant de nombreuses décennies. Sinon la multiplication d’évènements intenses (pluies, canicules) va générer de nombreux dégâts, dont une perte de fertilité liée à de l’érosion de plus en plus forte, ou des dégâts aux cours d’eau, aux voiries et bien sûr aux habitations de plus en plus importants. Il faut pour cela changer de mode de pensées et choisir une approche volontariste de tous les acteurs. Ce qui ne sera pas mis en œuvre dans la décennie (ou les deux décennies) qui vient, nous coutera très très cher. Or une haie n’est vraiment efficace qu’au bout de 5-10 ans, mais d’autres dispositifs sont immédiatement efficients (comme réduire la taille des grandes parcelles, passer en couverts permanents des sols,…) pour remédier à des désordres simples à solutionner.

Il faut tenir compte sans délai du bon sens, des connaissances scientifiques, initier une stratégie nationale ambitieuse et mettre l’argent public et/ou privé là où il sera vraiment utile pour :

  • redonner sa place au chevelu hydrographique (rangs 0 & 1 de Strahler, souvent devenus aqua incognita, dans nombre de territoires).
  • mettre en œuvre sur toutes les têtes de bassins versants et tous les versants agricoles et viticoles une batterie de dispositifs d’hydraulique douce ou MNRE (mesures naturelles de rétention d’eau).
  • mettre en œuvre des pratiques agronomiques respectueuses des sols, des bords de parcelles des paysages et des milieux naturels ou semi-naturels.

 

Evolution du bocage depuis mars 1945 (sources IGN, Géoportail) St Jean sur Reyssouze,01. Irstea 2015

Evolution du bocage depuis mars 1945 (sources IGN, Géoportail) St Jean sur Reyssouze,01. Irstea 2015

Végétalisation de petits réseaux hydrographiques en versant agricole et réduction des contaminations par les produits phytosanitaires (Dussuyer Guillaume et Guy Le Hénaff, juillet 2015)

Diagnostic visuel du BV du bief de Barbery: carte du 15 sept 2015 (saint Jean sur Reyssouze-01

Tag(s) : #Chemins de l'eau et diagnostics, #Chroniques de territoires
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