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Interdiction d’arrosage des potagers en Côtes d'Armor : une décision peu équitable !

 

            Depuis le néolithique et la sédentarisation de nos ancêtres, l’agriculture est la composante au combien vivrière et une activité essentielle de nos sociétés : sans nourriture produite très localement, pas d’avenir. Peut-on encore remettre les pieds sur terre, et dans les potagers ? Est-ce le sang paysan qui coule dans mes veines, le fait que notre jardin familial de Lanvignec à Paimpol ait largement contribué à nourrir, après-guerre, notre fratrie de quatre garçons, ou ma carrière d’agronome teintée d’hydrologie, mais l’interdiction d’arroser notre potager m’a profondément touché, voire indigné alors que nous sommes quasiment autosuffisant en légumes et petits fruits. Cela revient à mépriser le rôle nourricier, social et symbolique du jardinage vivrier, activité pourtant hautement noble, durable et écologique (mais non-marchande !): zéro transport, zéro déchets (qui retournent à la terre, maintien d’îlots de biodiversité et notamment de fleurs estivales), intérêt social des jardins ouvriers, partagés,…

            Dédaigner les légumes des potagers, cela revient à se reporter dès septembre et durant tout l’hiver sur des légumes nettement moins vertueux venant de loin, en camions (espagnols?), ayant consommé plus d’eau, plus d’intrants et à être encore plus dépendant de la conjoncture internationale !

C’est éminemment complexe de prendre en urgence des décisions justes et équitables, mais tout ne peut pas être sous-tendu par la préservation des activités économiques, ni le développement sans limite du tourisme. Bien entendu le risque de manque d’eau au robinet a été majeur durant la semaine du 15 août avec une affluence record de vacanciers, et les petites pluies reçues depuis ne donnent qu’un léger répit à la végétation.

Rappelons que la Bretagne est l’une des régions de France où les aménagements agricoles et urbains ont accélérés le plus la vitesse d’écoulement des eaux, les inondations récurrentes et coulées de boues à répétition en témoignent, mais les actions de réaménagements des territoires et de prévention restent très insuffisantes. Après des décennies de prédominance des différents lobbies, privés mais aussi publics, il est temps de s’intéresser de très près à la réutilisation des eaux grises : d’autres le font depuis longtemps (Allemagne, Belgique,...)

Cela étant, le besoin de clarté d’une décision administrative ne doit pas se faire au détriment du bon sens, du pouvoir d’achat, en déniant tout intérêt aux pratiques vertueuses. Les besoins en eau d’un potager se raisonne dès sa conception et sont en lien direct avec nos pratiques de jardinier grâce à différentes techniques et astuces parfois ancestrales : enrichissement des sols en matières organiques (compost, fumier, tontes, …) qui améliorent la capacité de stockage en eau des sols, limitation des sols nus et paillage de surface qui réduit les mauvaises herbes et l’évapotranspiration, arrosage efficient localisé ou au goutte à goutte, décalage des semis, et bien sûr récupération partielle des eaux pluviales. Historiquement toutes les maisons et fermettes du Nord-Goëlo avaient une citerne et un puits (privé, mitoyen, sur la place du hameau), sans parler des fontaines et sources, dont beaucoup ont disparu avec les destructions des zones humides les alimentant et l’élargissement des voiries parfois dotées de fossés profonds.

            Nos élus doivent également prendre en compte l’intérêt social et économique des jardins potagers : l’Agglomération de Guingamp-Paimpol vient en 2022 de modifier les modalités de distribution du compost aux particuliers et jardiniers amateurs du Goëlo. Une organisation plutôt inefficace remplace une mise à disposition mensuelle et gratuite, pratique héritée de la Communauté de commune Paimpol-Goëlo. C’est vraiment dommage, en année de sécheresse exceptionnelle : car un paillage vaut 3 arrosages, de ne pas accompagner un jardinage au naturel et de priver les jardiniers d’un excellent moyen de paillage et d’amélioration des sols.

Il faut renforcer l’éducation autour de l’eau : petit cycle et grand cycle, et valoriser avec bon sens chaque goutte de pluie. Bien sûr il faudra mieux choisir nos espèces potagères cultivées, afin qu’elles soient moins exigeantes en eau,  adapter nos dates de semis, améliorer nos techniques d’arrosages. A l’heure où des projets territoriaux alimentaires (PAT) se mettent en place, les politiques publiques doivent mener des actions préventives d’économie d’eau et prendre en compte les potagers, la plus durable des activités humaines à proximité de son lieu d’habitation.

               Activité vivrière vieille comme le monde, le potager familial ou collectif mérite d’être encouragé et non dédaigné, face à la crise alimentaire qui se profile. Il faut anticiper avec ambition sans plus attendre.

Paillage des allées du potager lors du semis, Kermaria à Plourivo le 6 août 2022

Paillage des allées du potager lors du semis, Kermaria à Plourivo le 6 août 2022

Trèfle blanc : "réserve" pour le paillage et nourriture pour les pollinisateurs, Kermaria à Plourivo le 6 août 2022

Trèfle blanc : "réserve" pour le paillage et nourriture pour les pollinisateurs, Kermaria à Plourivo le 6 août 2022

Belle case à compost, Vide! déchetterie de la Lande Blanche à Paimpol ( août 2022)

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Retenue dédiée à l'eau potable, barrage de la Ville Hatte sur l'Arguenon ( le 29 août 2022)

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Tag(s) : #Actualités d'AgrEaunome
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