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Ecoulement d'eau terreuse vers un ruisseau, même en période de confinement... (Plourivo 31oct2020)

Ecoulement d'eau terreuse vers un ruisseau, même en période de confinement... (Plourivo 31oct2020)

Changement climatique, ruissellements, érosion et inondations en bordure du littoral costarmoricain : le temps de l'action ou le maintien de la course à la lenteur?

La  tempête Alex, et ses très fortes précipitations, a de nouveau révélée la fragilité hydraulique de nos territoires côtiers : inondations des bas de villes, érosion du trait de côte par les ruissellements agricoles ou routiers, difficultés de récoltes des maïs, choux fleurs et autres légumes. Nous arrivons rapidement dans le dur des enjeux du changement climatique avec des épisodes de plus en plus rapprochés de pluies intenses, tandis que du côté de la mer les phénomènes érosifs s’aggravent également. Alex c’est début octobre, plus de 200 mm de pluie en moins de cinq jours, et depuis il est également tombé 100 mm, le total de pluie sur le mois dépasse donc les 300 mm (source infoclimat.fr). Mais depuis plusieurs hivers nos sols limoneux hydromorphes (sols régulièrement saturés en eau à cause d'une couche argileuse peu perméable qui, présente à faible profondeur, limite l'infiltration des eaux pluviales) sont rapidement gorgés d’eau dès l’automne et donc vite « malmenés » par le matériel. Les ornières occasionnées par les récoltes laborieuses favorisent les ruissellements et l’érosion surtout si la parcelle est trop grande (si sa longueur dépasse les 200 m, le volume de ruissellement devient ingérable). Avec le recul de l’élevage et la spécialisation accrue autour de quelques cultures, nombreux sont les versants qui manquent de diversité culturale et où les techniques culturales sont toutes réalisées de façons concomitantes (travail du sol, plantation, binage, récolte).

A un moment ou à un autre, les chemins de l’eau qu’empruntent les écoulements d’eau lors des fortes pluies ont tous « bénéficiés » d’interventions humaines. Depuis des décennies nous avons favorisé des écoulements de plus en plus rapides des eaux de ruissellements ou des eaux de pluies : remembrements et travaux connexes musclés, urbanisation et artificialisation des surfaces. Dans le même temps il a fallu du temps pour arrêter de construire des lotissements ou des zones artisanales en zones humides ou/et inondables. Par ailleurs côté mer on a aussi réduit les volumes disponibles pour les eaux momentanément excédentaires (fortes marées plus inondations venant de la terre). Quasiment tous les ports, même les plus petits ont eu recours à des remblais, des terre-pleins et des polders, pour créer des parkings, des zones pour le matériel et les infrastructures de pêche ou ostréicoles, des chantiers navals et des ports à secs.

Il faut une vision globale sur les bassins versants. Espérons que les communautés de communes ou les agglomérations, structures responsables de la gestion des eaux et de la prévention des inondations (« compétence » GEMAPI) adopterons une politique cohérente, pragmatique et surtout efficace autour de l’eau et des milieux aquatiques.

Il faut diagnostiquer finement les chemins de l’eau dans les versants : ruissellements agricoles mais aussi maillage des fossés routiers (qui ont un rôle important dans la genèse des inondations, lié à la rapidité des transferts) Il faut revisiter les bassins versants  et accepter de corriger les erreurs du passé. Il faut une implication sans faille de tous les acteurs du territoire, il convient de privilégier le pragmatisme pour aborder les « nouveaux » enjeux climatiques. Il faut faire appel aux techniques douces de génie écologique et non aux ouvrages onéreux d’hydraulique dure. Il faut revenir à plus de prairies dans le paysage agraire de nos zones côtières : même en sols limoneux sensibles au ruissellement une prairie possède une grande capacité d’infiltration si elle n’est pas soumise au tassement : jusque 200 mm/h, c.-à-d. 200 litres d’eau pouvant s’infiltrer par heure sur un m2 (données AREAS-Cemagref). Mais pour promouvoir ces évolutions il faut remiser impérativement les dogmatismes trop souvent surannés : on peut et on doit modifier les pratiques agricoles les plus impactantes, diminuer la taille de certaines parcelles, modifier le profil de nombreuses entrées de champs, remettre des talus perpendiculaires à la pente et planter des haies à vocation hydraulique, accepter des petits ouvrages de ralentissement des eaux pluviales et de ruissellements soit dans les parcelles agricoles, soit chez les particuliers (stockage, petites noues), soit sur les fossés routiers, soit en lien avec les cours d’eau et les zones humides de fond de vallées. La police de l’eau et les élus doivent sortir de leurs zones de confort, faire évoluer la règlementation, voire devancer et faire modifier la loi. Ils doivent construire une doctrine locale de protection de l’eau réaliste permettant d’avoir de réelles actions pertinentes pour tous les compartiments environnementaux.

Outre un intérêt sur les enjeux érosifs, nous aurions aussi un effet très bénéfique sur l’aspect qualité en lien avec le ralentissement dynamique des eaux brutes : réduction des matières en suspensions, réduction de nitrates, des pesticides et autres polluants (médicaments vétérinaires et humains,…) transportés vers la mer. En effet les eaux brutes de ruissellement qui sortent des parcelles agricoles sont un vecteur important de transferts des molécules de pesticides utilisées en protection des cultures. En France, le monde agricole n’a pas pris la véritable mesure des enjeux liés à la pollution de l’eau. Or, depuis 1995, nous avons perdu un temps précieux car les actions de lutte contre les pollutions diffuse agricoles sont celles qu’il va falloir mettre en œuvre pour atténuer les excès climatiques en favorisant l’infiltration de l’eau, en atténuant le ruissellement et les inondations. Pour notre zone ostréicole paimpolaise, majeure au plan national, toute action contre les ruissellements permettrait d’améliorer la qualité des eaux littorales avec certitude…

Mon expérience professionnelle agronomique m’a conduit à agir (avec peu de succès, hélas) contre une course à la lenteur permanente menée par de nombreuses parties prenantes afin de préserver des intérêts (« court-termistes » le plus souvent) ou pour ne pas heurter certains acteurs économiques influents. Nous ne pourrons pas éternellement manquer d’anticipation et tourner autour du pot. Quoi qu’il en coûte, nous devrons notamment concevoir une agriculture vraiment respectueuse de l’environnement. Pour ce secteur économique cela nécessite de bâtir une politique locale ambitieuse et donc des projets agricoles locaux et durables. Nous ne pourrons pas tenir avec d’un côté des agri-managers gérant des entreprises agressives vis à vis de l’environnement et d’autre part quelques centaines d’hectares sanctuarisés (Espaces Naturels du Conservatoire du Littoral). Maintenant que la rotation choux fleurs/permis de construire, et que le grignotage de l’espace agricole sont derrière nous, il y a de la place pour des éleveurs et des prairies si possible naturelles. Dans ce cadre les collectivités territoriales doivent innover et prendre leurs responsabilités. Sur les ronds-points fleurissent des banderoles de communes cherchant des médecins : à quand des appels similaires pour trouver dans le cadre de projets durables des éleveurs, des polyculteurs ou simplement des paysans ?

 

A cet endroit une prairie ou une zone tampon serait préférable et plus rentable ! (Pourivo 31 oct 2020)

A cet endroit une prairie ou une zone tampon serait préférable et plus rentable ! (Pourivo 31 oct 2020)

Tag(s) : #Chroniques de territoires, #Chemins de l'eau et diagnostics
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