extrait de mon courrier du 30 janvier 2021 au président de l'Office Français de la Biodiversité
Les sujets abordés concernent tout particulièrement l’OFB, soit au niveau des contrôles liés à la police de l’environnement ou dans le cadre de son rôle dans les actions de recherche et développement.
Ces sujets concernent aussi, bien évidemment, le Ministère de l’Agriculture et le CGAAER, mais mes courriers précédents adressés à ce ministère restent sans réponses. S’agit-il d’un manque de moyen ? Ou de manque de respect vis à vis d’un simple citoyen (Pourtant ancien fonctionnaire de ce ministère !) ? Ou tout simplement peut-être attendait-on la confirmation du déclin de la biodiversité de nos campagnes ? Faut-il vraiment tout connaître pour bien gérer ? Où faut-il bien gérer pour mieux connaître ?
Il s’agissait d’un courrier daté du 20 novembre 2019, adressé à Monsieur Didier Guillaume, Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, concernant déjà la réglementation phytosanitaire et la non-mise en œuvre effective des SPe3 « Biodiversité » et la volonté « délibérée » de ne pas faire appliquer aux champs toutes les mesures de gestion des risques environnementaux liées aux pesticides. L’autre courrier resté sans réponse, en date du 30 mars 2017, était adressé à Monsieur Stéphane Le Foll, Ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt.
Deux sujets liés à la biodiversité et à l’usage des produits phytosanitaires me paraissent nécessiter actuellement une attention particulière:
- le non-respect par les agriculteurs des mesures de gestion SPe3 visant à protéger les zones non agricoles adjacentes («ZNT Biodiversité ») lors des applications des phytosanitaires.
- la prise en compte de l’intérêt multifactoriel des zones tampons (malgré leurs intérêts seront-elles victimes du désamour que leur porte, depuis trop longtemps le monde agricole ?).
Alors que des résultats d’études et des communications plutôt alarmantes se multiplient autour de l’effondrement de la biodiversité, je tiens faire part de mes interrogations concernant le non-respect par les utilisateurs de l’intégralité de la réglementation lors de la mise en œuvre des produits phytosanitaires et en particulier le non-respect des mesures de protection de la biodiversité (flore non cible et arthropodes non cibles) autour des parcelles agricoles recevant des produits agropharmaceutiques.
En l’absence de communications ciblées et de contrôles aux champs, ces zones non traitées (ZNT) de protection des zones non agricoles adjacentes (ZNCA) ne sont pas mise en œuvre, et celles portant sur l’atténuation du ruissellement le sont de façon très insuffisante. Sans doute faudrait-il profiter des outils mobilisables par les pouvoirs publics (PAC et MAEC, Ecophyto, …) pour inciter et aider les agriculteurs et viticulteurs à mettre en œuvre des pratiques différenciées en bords de champs ou pour initier des changements de pratiques plus radicaux. Il semblerait par ailleurs très judicieux que la profession agricole, forte de la technicité de ses structures (instituts, fermes expérimentales,…) fasse preuve d’initiatives sur ce sujet et soit force de propositions afin d’augmenter les capacités de résilience des territoires agraires.
Je suis toujours surpris, et ce à de nombreuses occasions, par le manque de connaissances de la réglementation des responsables de différentes structures et parties prenantes du dossier des pesticides. Certes la réglementation des produits phytopharmaceutiques est complexe, mais compte tenu des enjeux importants au plan de la santé publique, de la protection des utilisateurs et de la protection des différents compartiments environnementaux, nous nous devons me semble-t-il de mettre en œuvre l’intégralité de la réglementation concernant l’application des produits phytosanitaires.
La transposition de la réglementation prend toujours du temps et l’application sur le terrain encore plus. Après 30 ans de suivi de la problématique, la prise en compte de pollutions diffuses au plan national est restée sur une base que je qualifierais de plutôt minimaliste. Dans le domaine de la contamination des eaux de surface, les comparaisons dans le temps sont délicates, notamment à cause des évolutions méthodologiques (réseaux, moyens analytiques,…), mais depuis 1992 les améliorations constatées au niveau pesticides sur la qualité de l’eau me paraissent essentiellement imputables aux interdictions de molécules et de produits. Il reste encore beaucoup à faire pour établir des versants agricoles résilients ayant notamment des niveaux de ruissellements acceptables.
La Bretagne, où je réside maintenant, a sans doute fait mieux que la plupart des régions en lien avec des enjeux très forts liés à son contexte hydrogéologique particulier, et ce grâce à des moyens financiers importants, à la dynamique impulsée par les pouvoirs publics et à la volonté des élus. Cependant, un travail important reste à faire : les nombreuses prises en rivières d’eau à potabiliser nécessitent encore de réduire fortement les ruissellements d’origines agricoles et donc les transferts de polluants. Il en est de même au niveau du littoral : autour de la baie de Paimpol et de l’estuaire du Trieux (site ostréicole majeur au plan national) nous avons encore de trop nombreuses parcelles légumières ou céréalières, en général limoneuses, battantes et ruisselantes qui sont fortement connectées hydrologiquement aux ruisseaux côtiers voire directement au littoral.
Comme évoqué ci-dessus, il convient d’insister sur la prise en compte des mesures de gestion réglementaires qui ont pour objectif de sécuriser l’emploi des produits phytosanitaires. Ces mesures figurant dans les avis d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché), visent à permettre l'utilisation d'un produit tout en ayant un risque acceptable. Les décisions rendues par l’Anses établissent les conditions d’utilisation d’un produit et notamment les mesures spécifiques de gestion des risques, issues de l’évaluation et de la réglementation en vigueur, et garantissant une exposition minimale de l’Homme et de l’environnement aux dangers représentés par le produit.
Autrement dit la mise en œuvre de chaque spécialité nécessite le respect et l’application des mesures considérées scientifiquement comme indispensables (zone non traitées (ZNT), délais de rentrés, délais avant récolte, etc…). En absence de ces précautions obligatoires (selon le Code rural et les inscriptions portées sur les étiquettes) la spécialité n'aurait pas obtenu d’AMM, pour cause de risques jugés inacceptables. J’ai questionné la direction régionale de l’Agence Française de la Biodiversité des Pays de Loire et Bretagne et il n’y a pas de doute sur le statut obligatoire des mesures de gestion demandées dans les avis d’AMM.
Logiquement quel que soit sa qualité, personne n’est fondé à interpréter la réglementation des produits phytopharmaceutiques : ce n’est pas l’usager de la route ou le routier qui fixe les limitations de vitesse! Dura lex, sed lex. Le monde agricole, pêche souvent par omissions, fort de ses capacités à peser sur l’action publique. Ainsi le projet d’arrêté de 2016-2017 de mise en œuvre des produits phytosanitaires, s’est soldé par un arbitrage interministériel, visant notamment à simplifier les normes en agriculture lié aux travaux du Corena (Comité de rénovation des normes en agriculture). L’arrêté du 4 mai 2017 a donc laissé de côté plusieurs mesures de protection de la biodiversité et aussi la protection des riverains déjà d’actualité il y a quatre ans, mais retoquée également. Or les avis de mise sur le marché, qui le nécessitent pour viser un risque acceptable, possèdent les mesures « biodiversité » depuis 2011, tout comme plus récemment les mesures de protection des riverains et des personnes présentes qui figurent dans les avis depuis la mi-2019.
Avec l’arrêté de décembre 2020, nous avons un complément de celui de 2017 avec l’ajout de la problématique importante des riverains. Mais nous avons à nouveau un texte orphelin, qui entérine un défaut important d'information des conseillers et utilisateurs autour des DVP 20 m (Dispositif Végétalisé Permanent) et des ZNCA (Zones Non Cultivées Adjacentes). La protection de la flore non-cible et des arthropodes non-cibles sont-elles jugées non-indispensables, contrairement aux résultats d’évaluation de nombre de spécialités phytosanitaires autorisées depuis 2011 et aux indicateurs de déclin de la biodiversité?
Les enjeux sociétaux et environnementaux doivent nous conduire à toujours « sortir par le haut ». Contrairement aux affirmations de certains professionnels, il ne s’agit pas seulement de strictes contraintes pénalisantes. Il y va de la fertilité et de la conservation des sols, de la préservation d’une biodiversité déjà érodée, de la protection de la santé publique et aussi de l’adaptation des territoires agricoles à l’agroécologie et aux enjeux du réchauffement climatique. D’ailleurs outre les conversions en agriculture biologique, nombreux sont les agriculteurs qui avec bon sens et civisme, mettent déjà en œuvre une partie de ces mesures et notamment certaines bordures non traitées en sus de pratiques et d’aménagements parcellaires (couverture des sols permanente, replantation de haies, agroforesterie,…).
En termes de réglementation des produits phytosanitaires, les refus de mise en œuvre des mesures de gestion SPe3 portant sur la protection de la biodiversité terrestre doivent enfin être résolue. Cela nécessite une réelle volonté politique, du civisme, des efforts de toutes les parties prenantes, de l’imagination technique et bien sûr la mise en place de contrôles gradués.
Face aux enjeux de biodiversité et au déclin malheureusement déjà prouvés (pollinisateurs, oiseaux de plaine,…) il parait inconcevable de rester plus longtemps avec un tel trou dans la raquette, et d’avoir en 2021 une application partielle de la règlementation phytosanitaire.
Courrier adressé le 30 janvier 2021 au président de l'Office Français de la Biodiversité
Paysage de petite Limagne en juillet 2015 (Bv du Charlet à Authesat-63) très faible niveau d'éléments du paysage-espace de biodiversité
Arrivée de sédiments dans un cours d'eau, sédiments qui s'amoncellent dans le lit mineur!! (Chalosse, Doazit-40, mars 2015)