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AOP Lentille du Puy: une région de production à contre-courant de l'agroécologie?

 

L’aire de production de la lentille du Puy couvre 87 communes au sud de la Haute Loire. La zone d’appellation se situe sur deux entités géologiques : le bassin sédimentaire du Puy en Velay et le Velay volcanique qui correspond au grand plateau basaltique du Devès. Depuis une petite décennie je sillonne le secteur : un de mes fils est installé à proximité dans les contreforts du plateau de la Chaise Dieu, et professionnellement je suis venu sur le secteur en Novembre 2016 à la demande du SICALA (Syndicat intercommunal d’aménagement de la Loire et de ses affluents).

Lors de la journée de diagnostic visuel du 10 novembre 2016, nous avions observé des ruissellements importants au sein du bassin versant de la Borne, écoulements qui en bas de parcelles étaient souvent directement connectés aux cours d’eau ou aux fossés. En cause, l’agrandissement parcellaire qui provoque la disparition des haies perpendiculaires à la pente. Il y a cinq ans, je m’étais fait la réflexion que ce type d’aménagement mal accompagné n’avait pas sa place en Haute-Loire. C’est en effet dommage qu’un territoire épargné lors des grandes décennies de remembrements agressifs soit lui aussi gagné par le « syndrome du parcellaire beauceron ». Or un maillage parcellaire bocager ou avec simplement une mosaïque de cultures différentes sur les versants est un gage de résilience d’un territoire aux aléas climatiques (coulées de boues, inondations, canicule,…) et aux diverses pollutions diffuses d’origine agricole (pesticides, notamment le glyphosate, phosphates, nitrates). Avec une réelle volonté de mise en œuvre de techniques douces et d’aménagements concertés, le territoire vellave, autour du Puy, aurait facilement pu devenir un territoire sans émissions de polluants : « pollutant-free countrie ». Ce n’est visiblement pas le choix technico-économique qui a été fait autour du Puy en Velay, alors qu’avec en vitrine de l’agriculture locale une culture en AOP telle que la lentille du Puy, il semblerait logique que l’agroécologie accompagne pleinement cette production valorisante.

Or à chaque fois que le Devès, grâce à l’attrait de ses paysages nous attire pour nos randonnées, je constate des travaux d’agrandissement parcellaire récents ou je suis « estomaqué » par le gigantisme irréel de certaines parcelles comme à Siaugues-Saint-Romain. Au nom de quelles connaissances objectives est-il nécessaire de sacrifier les haies, de buser les fossés, d’agrandir des parcelles à l’infini ? Et ce malgré des pentes importantes, malgré les premiers effets du changement climatique et malgré les analyses et études du SAGE Loire Amont qui met en avant le risque important au titre des inondations (agglomération du Puy : aval de la Borne et du Dolaison,…), des teneurs en phosphore déclassantes et des soucis liés aux  phytosanitaires (Borne , Gazeille, plateau du Devès,…).

L’agrandissement des parcelles se traduit toujours par une baisse de la biodiversité, par une accélération des transferts d’eau (ruissellements, coulées de boues, colmatage des cours d’eau par les sédiments entrainés,…), par une augmentation des transferts de polluants : phosphates et pesticides notamment. Phénomènes qui se traduisent à terme par une diminution de la fertilité des sols ! Les agriculteurs altiligériens sont-ils obligés, au nom d’une pseudo modernité d’arrière-garde (et d’une taille et d’un poids démesurés du matériel agricole), de faire les même erreurs que celles réalisées ailleurs au siècle dernier notamment en parcelles en pentes: Lauragais, Chalosse, Andalousie,…

Face aux enjeux du changement climatique et à la chute de la biodiversité, ce sont les techniques d’ingénierie écologique qu’il faut mettre en œuvre en utilisant au mieux les crédits publics et les aides :

 - optimisation agroécologique du parcellaire (longueur inférieure à 150-200m, mise en place de haies ou bandes enherbées intraparcellaires, maintien des prairies, réhabilitation de zones humides,…)

- mise en œuvre des techniques d’hydraulique douce pour ralentir l’eau et favoriser l’infiltration.

Nombreuses sont les marques de qualité qui s’orientent vers un cahier des charges plus en phase avec les nécessités écologiques de maintenant. La production de la lentille verte du Puy, pourra-t-elle rester à contre-courant du virage agroécologique de l’agriculture ? Ignorer la nécessaire adaptation rapide des territoires aux effets du changement climatique ? Et se permettre de dégrader le cadre de vie des altiligériens alors que la biodiversité est restée plutôt préservée dans ce charmant coin du Massif Central.

Ruissellements érosifs automnaux, BV de la Borne (Hte-Loire) 10 11 2016

Ruissellements érosifs automnaux, BV de la Borne (Hte-Loire) 10 11 2016

Busage de fossé permettant un agrandissement de parcelle, Siaugues St Romain (Hte-Loire) 23 04 2021

Busage de fossé permettant un agrandissement de parcelle, Siaugues St Romain (Hte-Loire) 23 04 2021

Lentille : trop longue parcelle en pente à Siaugues St Romain (Hte Loire) 23 04 2021

Lentille : trop longue parcelle en pente à Siaugues St Romain (Hte Loire) 23 04 2021

Gigantisme parcellaire irréaliste, avec heureusement une parcelle inclavée, Siaugues St Romain (Hte-loire) 28 05 2020

Gigantisme parcellaire irréaliste, avec heureusement une parcelle inclavée, Siaugues St Romain (Hte-loire) 28 05 2020

Tag(s) : #Chroniques de territoires
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