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Photo de couverture du Ouest-france du 20 août 2021

Photo de couverture du Ouest-france du 20 août 2021

Transition énergétique, la méthanisation à la française : un risque fort d’agroécologie régressive !

Le quotidien Ouest-France du 20 août a abordé le débat et la contestation que s’installe autour du déploiement de la méthanisation. La photo de couverture du grand quotidien régional (ci-dessus) est très illustrative des dérives des grandes exploitations, déjà industrielle ou semi-industrielle, qui installe un méthaniseur : forte artificialisation de terres agricoles, absence d’arbres et de haies autour de l’exploitation. Il serait d’ailleurs fort intéressant d’étudier et de comparer les pratiques et l’importance des infrastructures agroécologiques de ce type d’exploitation.

En effet nombreux sont les agri-managers qui sont devenus ou qui deviennent des énergiculteurs. Seront-ils encore agriculteurs, au sens noble de nourriciers, demain ? Pour un grand nombre de territoires ruraux ce n’est pas franchement une bonne nouvelle. Certes le développement des activités humaines a rarement tenu compte de la vulnérabilité des milieux mais est-ce une raison pour continuer une telle fuite en avant en 2021? Maintenant, nous avons les connaissances et des enjeux bien identifiés : géologie, pédologie, hydrogéologie, organisation des paysages, hydrologie agricole, processus de transferts hydriques des polluants, biologie des sols, données économiques et sociologiques, dispositifs d’aides agroécologiques, méthodes naturelles de rétention de l’eau,… ; protection de la biodiversité, adaptation au changement climatique, atténuation des crues et des séchererres,… D’ailleurs les méthodologies et les moyens de déterminer les capacités de résilience d’un paysage agraire existent vis-à-vis des pratiques et des aménagements anciens mais aussi en lien avec le développement de nouvelles activités.

La production de méthane, improprement appelé biogaz, repose certes sur des processus biologiques mais l’origine des « rations » des méthaniseurs n’a rien de « Bio » et il s’agit de produire des gaz à effet de serre (CH4 et CO2). De petits méthaniseurs, conçus pour des fermes moyennes de polyculture élevage, sont acceptables dans le cadre d’une approche d’autonomie énergétique circulaire. Mais est-il raisonnable de soutenir des méga-projets de méthanisation dans des bassins versants lourdement modifiés et voire dégradés ? En effet dans nombre de territoires nous avons eu 60-70 ans de modernisation menée sans fil conducteur si ce n’est un asservissement, quel qu’en soit les inconvénients, à la productivité et à la mécanisation. La taille déraisonnable de nombreuses parcelles, la rapidité des crues, l’érosion des sols et une dégradation importante de la qualité des eaux brutes illustrent parfaitement le manque de bon sens et de respect de nos têtes de bassins versants

C'est un paysage « beauceron » qu’ont mis en place les grandes exploitations qui font le choix de la méthanisation. On imagine que les cultures qui "alimenteront" le méthaniseur (maïs énergétiques, cultures intermédiaires énergétiques (CIVE),...) vont accentuer la spécialisation des rotations, les besoins en fertilisation azotée supplémentaire et alimenter la course au gigantisme du matériel et donc les tassements des sols et l’érosion. Il est inconcevable que de tels projets subventionnés ne soient pas soumis à une obligation de sobriété environnementale. Une limitation théorique des surfaces consacrées aux cultures énergétiques, 15% (sans doute très peu contrôlée), est totalement insuffisante, car le risque est grand de dégrader définitivement des territoires déjà vulnérables. Le colza diester a participé à contaminer les nappes phréatiques (métazachlore et ses métabolites) et les cours d'eau. Le maïs, ration idéale pour méthaniseur, est quant à lui une pompe à S-métolachlore et métabolites et bien sûr à nitrates. Il est plus que souhaitable que les itinéraires techniques des agriculteurs méthaniseurs soient véritablement agroécologiques et donc à très faibles impacts environnementaux. Il faut mettre en place des itinéraires techniques à faibles impacts: limitations maximales de l'érosion, progression des taux de matières organiques dans les sols, contrôles de fuites de nitrates (analyse systématiques des reliquats azotés post-récolte), couverts hivernaux semés avant récolte et bien sûr conduite des maïs énergétiques sans herbicides.

Pour ma part, je pense qu'il faut absolument raisonner "territoire" en tenant compte des vulnérabilités intrinsèques des milieux. Il faudrait aller vers un Diagnostic de territoire et parcellaire multi-approches en évaluant tous les compartiments : agronomie (transferts des pollutions diffuses & préservation des sols), hydraulique, changement climatique et bien sûr les enjeux biodiversité. Nous en avons les moyens financiers et humains mais cela nécessite une volonté de tous les acteurs. Il conviendra également de faire évoluer les méthodes de diagnostic parcellaire des Chambres d'agriculture (DPR2 en Bretagne, diagnostics Arvalis ailleurs) et surtout de mobiliser un diagnostic territorial objectif, complet, obligatoire, pérenne (bancarisé sur SIG) et protégé (éléments paysagers et zones tampons protégés par les PLUi), mené par au moins deux structures aux compétences complémentaires : biodiversité-bassin versant et agriculture, par exemple.

Les pouvoirs publics et notamment le ministère en charge de l’Écologie sont, me semble-t-il, en en pleine contradiction : a-t-on le droit de favoriser et d’aider des activités impactantes ? Alors que c’est de sobriété et de protection des milieux que nous avons besoins pour affronter les enjeux de demain. Nous sommes encore bien loin du point d’inflexion salutaire : même dans nos contrées riches nous dégradons encore plus que nous ne protégeons ! Et si l’on ajoute à cela les pollutions liées à nos multiples produits importés, le constat est encore bien moins réjouissant…

Tag(s) : #Chroniques de territoires, #Territoires résilients
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