Une indispensable Révolution Agro-Environnementale dès 2022 ou DON’T LOOK DOWN ?
partie 2 : application des mesures règlementaires Spe3 de protection de la Biodiversité ?
« Il faut agir en homme de pensée et penser en homme d’action » (Henri Bergson ; 1859-1941)
Comme évoqué dans la première partie de l’article, l’emploi du terme révolution peut paraître fort, mais comment peut-on autrement impulser de vrais changements ? A quasiment tous les niveaux de l’adaptation au changement climatique basés sur la sobriété et mobilisant des solutions fondées sur la nature c’est encore la course à la lenteur qui prime. Ce qui me paraît le plus inquiétant ces dernières années c’est le manque d’anticipation des pouvoirs publics et en même temps le manque de volonté et souvent de moyens pour appliquer la loi et tout en faisant nécessairement progresser les textes.
Il existe pour les pollutions diffuses d’origine agricole une panoplie de mesures applicables rapidement qui permettraient une meilleures maitrise des contaminations. Une partie nitrates a été développée dans la partie précédente de cet article. Voici donc la partie dédiées aux mesures liées aux phytosanitaires qui permettraient un pas conséquent pour la protection de la biodiversité au sein de paysages résilients possédant nécessairement des infrastructures paysagères fonctionnelles. Une troisième partie abordera la gestion différenciée des bords de champs, évolution pleine de bon sens qui est indispensable à la préservation de la biodiversité dite « ordinaire » de nos campagnes. Biodiversité ordinaire qui a autant de valeur que celle sanctuarisée dans les espaces naturels protégés, car à eux seuls ces zones sanctuarisées ne sont pas suffisantes.
Appliquons les mesures règlementaires de protection de la Biodiversité !
Il parait inconcevable en 2022 de ne pas appliquer toute la législation concernant l’application des produits phytosanitaires. C’est pourtant un enjeu majeur, qui concerne plus de 14 millions d’hectares en France, et une préoccupation sociétale très importante.
Nous avons maintenant dans le domaine des applications de produits phytosanitaires plus de 10 ans de retard pour la mise en œuvre obligatoire des zones non traitées (ZNT) de protection de la biodiversité en bordure des champs. Pourtant ce sont des surfaces très importantes qui reçoivent des pesticides agricoles : parfois plus de 75% de certains territoires. D’autre part les études démontrent, les unes après les autres, une baisse inquiétante de la biodiversité dans nos campagnes.
Lors de l'évaluation des produits phytosanitaires, au plan européen ou français, les risques pour la biodiversité sont évalués pour les différents compartiments environnementaux. Pour les nombreuses spécialités présentant des risques modérés vis-à-vis de la biodiversité des milieux terrestres (si risques importants : pas d'autorisation), des ZNT sont demandées pour les zones non agricoles adjacentes aux parcelles traitées appelées également zones non cultivées adjacentes (ZNCA). Cela concerne les arthropodes non-cibles et la flore non-cible présents sur les bords de champs : talus, haies, chemins, banquettes herbeuses, etc.
Exemple de la mesure de gestion Spe3 « Environnement-flore » : « Pour protéger les plantes non-cibles, respecter une zone non traitée de 5 mètres par rapport à la zone non-cultivée adjacente »
En France, ces ZNCA ou ZNT "biodiversité" figurent dans les avis d'autorisation émis depuis 2011 : inscrites également sur toutes les étiquettes des spécialités autorisées, ces ZNT biodiversité (ZNCA) sont donc règlementairement obligatoires et doivent être appliquées par les agriculteurs utilisateurs. MAIS en 2016, lors de la préparation de l'arrêté « phytosanitaires » qui est paru par la suite le 4 mai 2017, la FNSEA a obtenu le retrait de ces ZNCA!! Sans mention dans l'arrêté, l'Office Français de la Biodiversité (OFB) peut difficilement contrôler et encore moins verbaliser, car aucun Procureur de la République ne suit une procédure si un minimum de "porter à connaissance" n'a pas eu lieu, or absolument personne n'en parle !!
https://www.guylehenaffagreaunome.fr/2019/11/mesures-concernant-les-risques-pour-l-environnement-dans-les-avis-d-amm-des-produits-phytopharmaceutiques.html
Il y a 10 ans, des arguments farfelus ont circulé (ZNT de protection des bandes enherbées par exemple) et la mise en place de cette mesure ZNCA a fait craindre un risque de destruction et de disparition des haies et autres espaces de biodiversité par les "furieux du tractopelle". Il semble qu'en 2022, avec les protections mises en place dans les PLUi et avec un renforcement des obligations agroécologiques en lien avec la politique agricole commune (PAC), ces inquiétudes doivent être levées y compris en commençant rapidement par des expérimentations de grandes ampleurs, mais dès aujourd'hui. Pas dans dix ans ni dans vingt ans!
Interrogée en 2019 à ce sujet sur l’application des ZNCA, la Direction Interrégionale Bretagne-Pays de Loire de l’Agence Française de la Biodiversité (AFB devenue OFB) m’a fait la réponse suivante :
« Les fondements sont dans le Règlement CE 1107/2009 : L’article 55 précise que les produits phytopharmaceutiques doivent faire l’objet d’une utilisation appropriée.
Une utilisation appropriée inclut l’application des principes de bonnes pratiques phytosanitaires et le respect des conditions fixées conformément à l’article 31 et mentionnées sur l’étiquetage. Elle est en outre conforme aux dispositions de la directive 2009/128/CE, et en particulier aux principes généraux de lutte intégrée contre les ennemis des cultures, visés à l’article 14 et à l’annexe III de ladite directive, qui s’appliquent le 1er janvier 2014 au plus tard.
L’article 31 précise que l’autorisation énonce les exigences relatives à la mise sur le marché et l’utilisation du produit phytopharmaceutique. Ces exigences comprennent au minimum les conditions d’emploi nécessaires pour satisfaire aux conditions et prescriptions prévues par le règlement approuvant les substances actives, phytoprotecteurs et synergistes.
Enfin l’article L.253-17 du Code Rural et de la Pêche Maritime sanctionne par un délit le fait d'utiliser un produit visé à l'article L. 253-1 en ne respectant pas des conditions d'utilisation conformes aux dispositions de l'article 55 du règlement (CE) n° 1107/2009. »
Règlementairement pour les SPe3 ZNCA « orphelines » : ZNT Arthropodes non cibles et ZNT plantes non cibles, il n’y a pas de doute sur le statut obligatoire. La mise en œuvre des mesures de gestion demandées à l’homologation devrait être la règle. Elles sont de plus inscrites sur les étiquettes que chaque agriculteur peut et doit consulter. Une définition réglementaire plus détaillée serait cependant la bienvenue, mais cela passe par une recherche de consensus éclairé et par un nécessaire vecteur législatif. Malheureusement sur ce sujet la profession agricole est attentiste et n'est pas force de proposition alors que des solutions techniques existantes ou à tester peuvent simplifier l’application des nécessaires mesures de protection de la biodiversité.
Les ZNT dites ZNCA, sont depuis 2017 dans un flou certain vis à vis de leur mise en œuvre réglementaire. Ces mesures de protection d’espaces semi-naturels seraient pourtant les bienvenues à l’heure où les études prouvent sans ambigüité les fortes atteintes à la biodiversité de nos campagnes. Cet état de fait est pour moi un des éléments forts, avec la non-fertilisation et la protection des riverains, qui milite pour la mise en œuvre d'une gestion différencié des bords de champs d’autant que cela permettrait d’avoir une mesure simple, parfaitement identifiable (et donc contrôlable) (voir la partie 3).
ZNT enherbée : transition entre un fossé alimentant un étang dombiste et une haie arborée à Birieux-Ain (mars 2017)