Réaction au DOSSIER « ZNT » de la FRANCE AGRICOLE du 4 mars 2022,
parue dans le courrier des lecteurs, numéro 3948 du 25 mars 2022
Pour le 85ème article de mon Carnet d’AgrEaunome.over-blog.com, créé le 6 février 2017*, je mets en ligne et en fichier joint le courrier des lecteurs que j’ai rédigé suite à un dossier ZNT de la France Agricole de début mars.
Profitons de l’actualité pour faire part d’une réflexion autour de l’autorisation de remise en culture des jachères. Le ministre de l’Agriculture et donc de l’Agroécologie a affirmé que cette remise n’affectera pas la biodiversité !! Je l’invite à sortir des cours de ferme fréquentées lors des visites officielles et à parcourir les jachères et les bords de champs. Je peux même servir de guide si besoin, nous verrions également quelques maltraitances d’infrastructures agro- écologiques et l’absence de bandes enherbées le long de cours d’eau classés BCAE.
Je comprends bien sûr l’intérêt de la remise en culture, mais cela pourrait correspondre à 450 000 ha de terres agricoles qui recevront donc à nouveau des produits phytosanitaires. En réalité, compte tenu des contraintes et notamment de la date tardive d'autorisation les surfaces en jeu seront bien plus restreintes.
Toutefois pourquoi ne pas « profiter » de ce changement de destination pour tester la mise en place à grande échelle des ZNT « biodiversité » dites ZNCA (zones non cultivées adjacentes) et même pour expérimenter la gestion différenciée des bords de champs :
- respect strict des mesures de gestion règlementaires liées aux produits employés (et plus largement choix des molécules reconnues les moins impactantes sur la qualité de l’eau)
- couverture végétale différenciée de zones non traitées.
- désherbage mécanique de la culture en place
- etc…
Je ne résiste pas au plaisir de citer le deuxième article de ce blog publié dès le 8 février 2017, tout en déplorant malheureusement « l’autisme organisé» qui entoure un sujet pourtant majeur pour desserrer l’un des étaux principaux qui étrangle la biodiversité de nos campagnes :
*85 articles (en 5 ans de retraite), et 6300 pages consultées.
Réaction de GUY LE HÉNAFF au DOSSIER « ZNT » de la FRANCE AGRICOLE du 4 mars, paru dans le numéro 3948 du 25 mars 2022
"Votre dossier du 4 mars sur les ZNT aborde le sujet de façon sereine, technique et bien entendu règlementaire. Les témoignages recueillis sont particulièrement intéressants et traduisent les positions de bons sens de très nombreux agriculteurs. Agronome de terrain et expert « pesticides-environnement » je m’intéresse particulièrement au dossier des Mesures de gestion des risques applicables pour les applications de produits phytopharmaceutiques.
Vos articles suscitent de ma part des réflexions et des compléments:
- Tous d’abord les ZNT ne sont pas des zones de non-production, ce sont déjà des zones peu productives. Il s’agit de zones de transition vis-à-vis des conditions climatiques (vent, températures,…) et de certains bioagresseurs. Elles reçoivent une fumure incomplète (sauf si engrais liquides) sans recroisement des bouts de rampes lors des traitements phytosanitaires.
- Vis-à-vis des ZNT règlementaires visant à protéger la biodiversité terrestre et dénommée ZNCA : zone non cultivée adjacente, la position des organisations professionnelles est restrictive et un peu ancienne. Oui en 2011, la définition était floue et les craintes de voir disparaitre des haies existaient. Mais la prise de conscience de l’intérêt multifonctionnel des haies vis-à-vis des nombreux enjeux est aujourd’hui réelle et les études démontrent le déclin de la biodiversité dans nos campagnes. Est-il raisonnable d’appliquer des produits phytosanitaires sur plus de 14 millions d’ha sans mettre en œuvre les mesures de protection des arthropodes non cibles et de la flore non cible ? Les ZNCA sont des mesures demandées lors des A.M.M. (Autorisation de Mise sur le Marché) et figurant sur les étiquettes. Elles devraient être respectées par les agriculteurs et par tout autre applicateur. Le refus en 2016 de la profession agricole de voir ces ZNCA figurer dans l’arrêté « utilisation des phytosanitaires » du 4 mai 2017, n’est pas tenable. Ces ZNT/mesures de gestion sont demandées lorsque les procédures d’évaluation ont démontré un risque pour les arthropodes ou plantes non-cibles. Le respect d’une zone non traitée est alors le moyen de rendre acceptable un risque qui autrement ne l’est pas. Ne pas mettre en œuvre les ZNCA devrait donc conduire à ne plus délivrer d’autorisation de vente aux nombreuses spécialités et usages concernés.
Nous devons être en capacité de proposer une occupation des bords de champs compatible avec le respect de la santé des riverains et de la biodiversité (terrestre, aquatique). Des retours d’expérience sont mobilisables : bandes enherbées, savoirs faire locaux, sites Agrifaune, couverts mellifères, bandes fleuries,…). Depuis 2017, je propose de mettre en œuvre une gestion différenciée des bords de champs permettant également de résoudre la complexité des différentes ZNT réglementaires : (https://www.guylehenaffagreaunome.fr)
Il faut lancer un « remue-méninges », bousculer les positions des différents acteurs et activer des aides compensatoires avec financements (Ier pilier de la P.A.C ?). Regagner de la résilience au sein de nos paysages, et de nos territoires agricoles et ruraux, devrait être un objectif primordial de nos politiques publiques alors que les agressions d’origine anthropiques, progressent toujours rapidement. Nos actions doivent être décuplées sous peine de ne pas faire face au changement climatique et à la régression de la biodiversité."
Pied de talus enherbé (passage d'engins) : a développer pour la biodiversité, Le Faouët-22, le 11 04 2022