Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Protection des riverains, biodiversité et pesticides : instaurer partout des zones non-traitées, en reconcevant les pratiques agronomiques de bords de champs. Une approche bénéfique pour l’ensemble de la société.

Une consultation publique, concernant des textes portant sur la protection de la santé des personnes à proximité de zones de traitement par les produits phytosanitaires, a eu lieu pendant la trêve des confiseurs. Cela présentait le risque d’être peu attractive, mais compte tenu de la nature très peu ambitieuse des modifications apportées aux textes initiaux, l’enjeu des nouveaux textes est somme toute limité. Voici la version longue de ma contribution du 11 janvier 2022 à cette consultation

Ancien ingénieur en protection des cultures et ancien ingénieur chercheur sur les pollutions diffuses agricoles par les pesticides, je trouve que c’est à nouveau une occasion manquée de mieux expliquer les processus de dispersion des pesticides et les moyens stratégiques et technologiques d’atténuer la dérive aérienne des produits phytosanitaires lors des applications et après celles-ci. Tenir compte des remarques formulées en juin 2021 par le Conseil d’État c’est très bien, mais ne pas modifier les conditions d’un pseudo-dialogue local autour des chartes d’engagements est une erreur. En termes de pédagogie permettant d’alimenter le dialogue, c’est une occasion manquée et plus grave c’est une fois de plus une perte de temps importante. Donner le pilotage des chartes locales aux strictes organisations représentant les utilisateurs, c’est un peu comme si l’on demandait aux entreprises de transport et aux routiers de rédiger le code de la route !!!

L’utilisation à grande échelle des produits phytosanitaires, sur plus de 14 millions d’hectares de parcelles de plein champ en France métropolitaine, nécessite la mise en œuvre d’une réglementation largement étayée par des connaissances scientifiques. Les mesures de gestion jugées indispensables et requises lors des autorisations de mise sur le marché doivent bien sûr être prise en compte et appliquées sur le terrain. La rédaction de chartes doit inclure à minima les dispositions réglementaires et devraient donc être de la responsabilité des pouvoirs publics. Le glissement des prises de décision, qui incombent aux services officiels, vers d’autres acteurs est observé dans de nombreux domaines. Mais cela ne permet pas de garantir la bonne application des lois et règlements. Dans le cas particuliers des pesticides, c’est inconcevable que l’état assume mal ses responsabilités.

Pour les bords de champs des enjeux majeurs sont pourtant bien identifiés : c’est bien sûr le cas en termes de santé publique mais pour la sauvegarde de la biodiversité c’est aussi un enjeu très important. Au fil de mes travaux et réflexions techniques et scientifiques, je suis convaincu depuis plusieurs années que l’ensemble des bords de champs ne doivent plus recevoir d’applications phytosanitaires : https://www.guylehenaffagreaunome.fr/2017/02/vers-une-gestion-differenciee-des-bords-de-parcelles-agricoles.html

                Les tours de champs sont des espaces de transition qui ne sont pas les zones les plus productives des parcelles : une conduite agroécologique sans phytosanitaires de synthèses ou non, voire sans engrais chimiques, est réaliste, notamment grâce aux techniques de désherbage mécanique.

https://www.guylehenaffagreaunome.fr/2019/07/des-bords-de-champs-de-transition-et-de-protection-de-la-biodiversite-zones-tampon-biodiversite-generalisees.html

https://www.guylehenaffagreaunome.fr/2020/04/reglementation-sur-l-application-des-pesticides-partie-2.nouveau-statut-agroecologique-pour-les-bords-de-champs.html

 

Agronomiquement une gestion différenciée est possible et intellectuellement le challenge est intéressant et l’on devrait se mettre à l’ouvrage sans plus attendre. Sur le plan économique il faudrait bien sûr reconcevoir une partie des aides PAC pour appuyer le changement et compenser une éventuelle perte de compétitivité.

Malheureusement nous avons déjà perdu beaucoup de temps. Les mesures de gestion visant à protéger la biodiversité sont règlementairement applicables depuis 2011, mais fin 2016 lors de la finalisation de l’arrêté « application des phytosanitaires » du 4 mai 2017 (https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000034603791/), la profession agricole a fermement refusé d’appliquer les zones de non traitement exigées pour de nombreuses spécialités commerciales et pourtant nécessaires pour atteindre un risque acceptable vis-à-vis des arthropodes non cibles et de la flore non cible. Depuis tout le monde (ministères, Office Français de la Biodiversité, organismes agricoles,…) détourne son regard au détriment de la sauvegarde de la biodiversité alors que les signaux alarmants des dangers encourus par les populations animales et végétales sont de plus en plus connus et font l’objet de nombreuses publications scientifiques.

Par ailleurs la prise en compte des risques pour les riverains de parcelles agricoles peine également à se mettre en place. Ce ne sont pas les techniques d’agro-équipements (buses anti-dérives,…) ni un site internet d’information sur les applications de phytosanitaires qui vont résoudre les problèmes. Une mise en œuvre généralisée de zones non traitées sur 5 à 10 m autour de tous les champs de France et de Navarre donnerait un signal fort aux riverains et à l’ensemble de la population.

Instaurer ces zones agro-écologiques de transition et de protection offrirait de véritables garanties d’une forte diminution de la dérive atmosphérique des pesticides et donc de la réduction de leurs effets non-intentionnels et bien sûr DE PROTECTION DE LA SANTE PUBLIQUE ET DE LA BIODIVERSITE.

Tournière enherbée en pied de talus arboré (Plourivo-Côtes d'Armor, 01 12 2021)

Tournière enherbée en pied de talus arboré (Plourivo-Côtes d'Armor, 01 12 2021)

Chemin-espace de biodiversité à préserver face à la céréalisation (Jax-Hte Loire, 19 avril 2021)

Chemin-espace de biodiversité à préserver face à la céréalisation (Jax-Hte Loire, 19 avril 2021)

Bande enherbée lotissement de la Chèvre Verte (Sainte-Julie-Ain, 21 oct 2021)

Bande enherbée lotissement de la Chèvre Verte (Sainte-Julie-Ain, 21 oct 2021)

Tag(s) : #Règlementation phytosanitaire, #Territoires résilients
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :